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28/06/2015

Voir toutes choses dans la lumière

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« Le photographe le sait, tout est question d’éclairage ; selon la lumière qui se projette sur les choses, les choses apparaissent différemment.
Le scientifique le sait, le "principe d’incertitude" nous rappelle que tout objet est modifié par le regard ou l’instrument qui l’observe. (Heisenberg)
Le philosophe le sait, Schopenhauer et bien d’autres nous rappellent que ce que nous voyons est création de notre esprit, inévitable représentation.
Le théologien le sait, tout ce qu’il dit de Dieu n’a rien à voir avec Dieu, mais avec l’homme qui en parle, qui parle de l’expérience sincère et authentique qu’il a pu avoir d’une réalité qui le fonde et le déborde.

Chacun imagine que ce qu’il perçoit de la réalité, visible ou invisible, est "Le Réel" alors qu’il ne décrit que ses propres limites et celles de ses instruments de perception.
Il imagine avoir raison… et effectivement il a raison, mais il n’a que raison. Il décrit "ce qui est" dans les limites étroites de son interprétation ; intuitivement sans doute, il sait que "ce qui est" est infiniment plus que ce que ses instruments de perception (sensibles, rationnels, affectifs) peuvent en saisir.

Si c’est notre façon de nous positionner, de regarder, de mesurer les électrons qui font qu’ils m’apparaissent comme onde ou comme particule, qu’en sera-t-il alors d’un diagnostic médical, n’est-ce pas ma façon de me positionner devant le symptôme qui en fait tel ou tel symptôme ?
Et qu’en sera-t-il d’un "diagnostic philosophique" devant l’existence humaine, le monde, la société, les valeurs ?

"Tout le monde tient le beau pour le beau
c’est en cela que réside la laideur
tout le monde tient le bien pour le bien
c’est en cela que réside la mal."

Lao-Tseu, Tao Te King, Chap. I

Ne pas "tenir" à sa vision du monde n’est-ce pas laisser libre l’Imagination créatrice de nous la "représenter" da façons diverses ?
Tchouang Tseu disait qu’identifier les contraires "c’est voir toutes choses dans la lumière". »

Jean-Yves Leloup, De Nietzsche à Maître Eckhart

 

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Demeurer dans un Souffle et une Conscience éveillée

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« L’athéisme est une maladie des yeux, la religion aussi.

Le mot athée, littéralement, veut dire : sans (a - privatif) vision (le mot "théos", qu’on traduit généralement par Dieu, décrit un état de vision, de compréhension, qui donnera le mot "theoria" chez Platon).
Cette absence de vision ou de regard peut être lié à une infirmité ou à un refus, le refus de voir le Réel dans son intégrité visible ou invisible.
On est libre de fermer les yeux ou de garder le regard ouvert pour voir le "jour" et les mille et une choses qui y apparaissent.
On se souvient que le mot Dieu en français ne vient pas du grec Theos mais du latin Deus dérivé de "dies" : le jour.

Voir Dieu c’est "voir le jour", et dans sa lumière "les mille et une choses" qui y apparaissent.
On peut mourir "sans avoir vu le jour" parce que le jour n’est pas une chose parmi les choses, il est "no-thing", Rien, "pas une chose".
On peut fermer les yeux, nier le soleil qui brûle nos paupières… Cela ne l’empêche pas de briller, de se donner, d’être ce qu’il est.
Pourquoi nos yeux devraient-ils s’en priver ?

En sanskrit le mot Avidya que l’on traduit par ignorance renvoie également à une maladie des yeux, à une absence de vision (a-vidya).
L’athéisme peut être ainsi considéré comme un état d’ignorance.
L’ignorance non des choses qui apparaissent dans le jour, mais l’ignorance du jour qui nous permet de les voir.
Ignorance de l’Existence qui nous donne d’exister, ignorance de la Conscience qui nous rend capable d’être conscient d’exister, ignorance encore de l’Amour qui nous rend capable non seulement d’être conscient d’exister mais capable d’aimer et de se réjouir de cette existence.

L’athéisme serait alors une triple ignorance ou un triple refus de la Réalité, "Une et Trois" : Existence, Conscience, Amour ("Sat" - "cit" - "ananda" en sanskrit ; "arké" - "logos" - "agapè" dans le grec des Evangiles).
Réalité dans laquelle, comme le dit Paul à l’Aréopage, nous avons "la vie, le mouvement et l’être" ; nous ne voyons pas le Réel parce qu’il est trop proche de nous, nous sommes en lui.
Nous ne voyons pas la lumière, nous ne voyons pas Dieu, parce qu’il est trop proche de nous. Nous sommes Lui, nous sommes en Lui.

Une vague ne peut pas se percevoir en dehors de l’océan qu’elle est, si elle se perçoit autre, en dehors de celui-ci, elle fait de l’océan un autre, une idole.
Et c’est là que la religion peut devenir aussi une "maladie des yeux".

Dire "je vois Dieu, je connais Dieu", c’est ne plus être en Lui, c’est le projeter au-dehors, et faire de sa représentation un absolu que j’aurais tendance à vouloir imposer aux autres : "Mon Dieu n’est pas ton Dieu", "ma vision de l’océan dans lequel je me trouve n’est pas la vision de l’océan (ou du ‘champ quantique’ pour parler contemporain) dans lequel tu te trouves".

Et pourtant "il n’y a pas d’autre réalité que la Réalité".
Il y a une multitude de regards sur la réalité ; regards sensibles, intellectuels, imaginatifs. Chacun est respectable s’il ne fait pas de son expérience, de sa pensée, de son imagination, la seule et vraie religion.
La religion serait alors ce qui nous empêche de voir "ce qui est", ce qui se tient dans l’Ouvert, pour tous.

A ceux qui prétendent "ça voir", connaître le vrai Dieu et l’unique vérité, Yeshoua répond de façon abrupte :

"Si vous vous reconnaissiez aveugles
vous ne seriez pas égarés,
mais vous dites ‘nous voyons’
votre aveuglement demeure." (Jean 9 : 41)

De même, à ceux qui prétendaient "saisir" Dieu dans un lieu particulier, propriété d’un peuple ou d’une religion particulière, Yeshoua rappelle :

"Ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père" (l’Origine de tout ce qui aime, pense et respire)…
"C’est en pneumati kai alétheia" (littéralement dans le souffle et la vigilance plutôt qu’en esprit et vérité)
"Dieu est Esprit/Souffle" (Pneuma o théos) et c’est dans l’Esprit/Souffle (pneuma) et l’ "aléthéia", vérité, qu’il faudrait mieux traduire par "vigilance" : (a-lethéia sorti de la lethè, de la léthargie, du sommeil) ou mieux encore par "éveil".

Adorer c’est demeurer dans un Souffle et une Conscience éveillée, une Ouverture infinie… »

Jean-Yves Leloup, De Nietzsche à maitre Eckhart

 

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27/06/2015

Souriez... c'est vous qui payez...

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Notre Avenir…

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Notre Avenir est une tête d’homme, décapitée et accrochée à un grillage !

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24/06/2015

Une tempête d’intérêts sous laquelle tourbillonne une moisson d’hommes

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« Paris n’est-il pas un vaste champ incessamment remué par une tempête d’intérêts sous laquelle tourbillonne une moisson d’hommes que la mort fauche plus souvent qu’ailleurs et qui renaissent toujours aussi serrés, dont les visages contournés, tordus, rendent par tous les pores l’esprit, les désirs, les poisons dont sont engrossés leurs cerveaux ; non pas des visages, mais bien des masques : masques de faiblesse, masques de force, masques de misère, masques de joie, masques d’hypocrisie ; tous exténués, tous empreints des signes ineffaçables d’une haletante avidité ? Que veulent-ils ? »

Honoré de Balzac, La fille aux yeux d’or

 

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23/06/2015

Parviendras-tu jamais à mesurer ta chute ?

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« On creuse son trou pour avoir un point fixe dans l’espace. Et on meurt pour ne pas s’égarer. »

« Pourquoi irais-tu fouiller dans ma mémoire ? À quoi bon te souvenir de moi ? Parviendras-tu jamais à mesurer ta chute et la présence de mon angoisse dans la tienne ? »

Emil Cioran, Des larmes et des saints

 

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Nous vivons à l’ombre de nos échecs…

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« Voyez cette main délicate que l’enfant tient contre sa poitrine, comme pour défendre timidement son bonheur ! Ou bien ces yeux pensifs expriment-ils une vague épouvante devant ce qu’il faudra perdre ? »

« Nous vivons à l’ombre de nos échecs et de nos blessures d’amour-propre. »

Emil Cioran, Des larmes et des saints

 

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Passe-temps

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« Mon passe-temps favori, c’est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre du temps, perdre son temps, vivre à contre-temps. »

Françoise Sagan, Toxique

 

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Une insurrection contre l’arrêt du Destin qu’il sait pourtant inexorable

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« Mise au tombeau de notre destinée ? En dépit d’apparences sinistres, mon intime conviction me conduit à rectifier aussitôt cette pensée. Tout ce que l’étude historique m’a appris, ce que je sais aussi des trésors d’énergie masqués, m’incitent à penser que l’Europe, en tant que communauté millénaire de peuples, de culture et de civilisation, n’est pas morte, bien qu’elle ait semblé se suicider. Blessée au coeur entre 1914 et 1945 par les dévastations d’une nouvelle guerre de Trente Ans, puis par sa soumission aux utopies et aux systèmes des vainqueurs, elle est entrée en dormition.

Bien des fois dans ses écrits, Jünger a fait allusion au destin comme à une évidence se passant d’explication, ainsi que d’autres évoquent Allah, Dieu, la Providence ou l’Histoire. (…)

Dans l’Iliade, Homère dit que les dieux, eux-mêmes, sont soumis au Destin. L’épisode est conté au chant XXII lorsqu’il s’agit de trancher du sort d’Hector face au glaive d’Achille. Le Destin figure ici les forces mystérieuses qui s’imposent aux hommes et même aux dieux, sans que la raison humaine puisse les expliquer. Ce n’est pas la Providence des chrétiens, puisque celle-ci résulte d’un plan divin qui se veut intelligible, au moins pour l’Eglise. C’est en revanche, un autre nom pour la fatalité. Pour répondre à cette dernière, les stoïciens et, de façon différente Nietzsche, parlent d’ "amor fati", l’amour du destin, l’approbation de ce qui est, parce qu’on a pas le choix, rien d’autre en dehors du réel. Approbation contestée par toute une part de la tradition Européenne qui, depuis l’Iliade, a magnifié le refus de la fatalité. Citons le fragment du chant XXII qui suit la décision des dieux. Poursuivi par Achille, Hector se sent soudain abandonné : "Hélas, point de doute, les dieux m’appellent à la mort. Et voici maintenant le Destin qui me tient. Eh bien non, je n’entends pas mourir sans lutte ni gloire. Il dit et il tire le glaive aigu pendu à son flanc, le glaive grand et fort ; puis, se ramassant, il prend son élan tel l’aigle de haut vol qui s’en va vers la plaine. Tel s’élance Hector."

L’essentiel est dit. Hector est l’incarnation du courage tragique, d’une insurrection contre l’arrêt du Destin qu’il sait pourtant inexorable. Tout est perdu mais au moins peut-il combattre et mourir en beauté.

(…) Et le lecteur méditatif songera que la tentation est forte, pour l’Européen lucide de se réfugier dans la posture de l’anarque. Ayant été privé de son rôle d’acteur historique, il s’est replié sur la position du spectateur froid et distancié. L’allégorie est limpide. L’immense catastrophe des deux guerres mondiales a rejeté les Européens hors de l’histoire pour plusieurs générations. Les excès de la brutalité les ont brisés pour longtemps. Comme les Achéens après la guerre de Troie, un certain nihilisme de la volonté, grandeur et malédiction des Européens, les a fait entrer en dormition. A la façon d’Ulysse, il leur faudra longtemps naviguer, souffrir et beaucoup apprendre avant de reconquérir leur patrie perdue, celle de leur âme et de leur tradition. »

Dominique Venner, Ernst Jünger, un autre destin européen

 

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La continuité nationale

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« Les accusations de crimes avaient frappé la nation nippone au lendemain de sa défaite au même titre que l’Allemagne. Elles énuméraient des atrocités perpétrées notamment contre la Chine (douze millions de morts selon l’accusation). Après 1945, plusieurs généraux et dirigeants japonais de haut niveau furent jugés par les Américains lors des procès de Tokyo, équivalents pour le Japon du procès de Nuremberg. Les principaux accusés furent pendus.
Cependant, aujourd’hui, le sanctuaire shintoïste de Yasukini, près de Tokyo, honore la mémoire des 2,5 millions de combattants japonais tombés de 1931 à 1945. Parmi eux se trouvent les quatorze criminels de guerre pendus à l’issue des procès de Tokyo, dont le quasi dictateur d’alors, le général Tojo. Depuis son arrivée au pouvoir en avril 2001, le Premier ministre Junichiro Koizumi, respectant une promesse électorale, est allé s’incliner chaque année au mois d’août (date de la capitulation japonaise de 1945) au sanctuaire de Yasukini en kimono traditionnel. Autant dire que le Japon pacifique d’aujourd’hui ne nourrit pas une culpabilité comparable à celle des Européens et il s’en trouve bien. Entendons-nous. Il n’est pas question de nier la réalité, l’horreur et l’ampleur de crimes de masse dont les vaincus n’eurent d’ailleurs pas le monopole (on pense à Hiroshima et Nagasaki, ainsi qu’aux bombardements de terreur sur les villes allemandes). Mais, à moins de vouloir détruire une nation, on ne peut fonder sa mémoire collective sur une culpabilité éternellement ressassée. Au Japon, les livres scolaires dans lesquels les enfants forment leur esprit n’évoquent pas les événements de la guerre selon l’interprétation des vainqueurs, mais selon celle de la continuité nationale. Pourquoi cette différence avec l’Europe ? Plusieurs raisons sans doute. L’une d’elles tient au caractère de la religion nationale, le shintoïsme. À la différence du christianisme qui a tant marqué la conscience des Européens, même quand ils sont détachés de cette religion, le shintoïsme ignore l’idée de la faute, celle du péché et de la repentance. Il tient les Japonais à l’abri des tourments d’une conscience morale coupable et torturée. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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