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29/04/2018

La permanence des flux migratoires...

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« La question de l’intensité des flux migratoires est essentielle pour la compréhension de la crise des banlieues ; c’est un élément qui occupe une place négligeable dans la plupart des diagnostics consacrés aux quartiers sensibles. Ce point permet pourtant de comprendre que la "fonction" des quartiers sensibles a totalement changé depuis trente ans.

Sous le double effet de la métropolisation et de la transformation de l’immigration de travail en immigration familiale, ces territoires sont pour partie devenus des sas entre le Nord et le Sud ; c’est aujourd’hui leur principale fonction. Ce constat, que les politiques répugnent à assumer, s’applique à une part croissante des ZUS situées dans les grandes agglomérations. Le parc de logements sociaux mais aussi le parc privé dégradé (…) ont permis d’accueillir une part importante des vagues migratoires depuis la fin des années 1970 jusqu’à nos jours. Analyser, encore aujourd’hui, la situation de ces quartiers en chaussant les lunettes des années 1970 relève d’une forme de gâtisme. (…)

L’importante mobilité dans les ZUS illustre ce rôle de sas où des ménages précaires viennent régulièrement prendre la place d’autres qui peuvent quitter ces quartiers. Ce "mouvement perpétuel" est engagé dans tous les quartiers sensibles des grandes villes ; partout des primo-arrivants, légaux ou illégaux, et/ou des ménages précaires viennent prendre la place de ménages en phase d’intégration sociale et celle des jeunes diplômés. Car contrairement aux idées reçues, les quartiers et communes sensibles sont très attractifs ! C’est d’ailleurs un point que l’on n’aborde jamais, mais il faut savoir que les bailleurs sociaux de banlieue sont submergés par les demandes de logement. (…) Evidemment, ces territoires n’attirent pas les classes moyennes ni les ménages en phase d’ascension sociale, mais il n’en demeure pas moins que ces quartiers contribuent à répondre à la demande de logements d’une part importante de la population.

(…)

La permanence des flux migratoires induit mécaniquement des difficultés sociales spécifiques à ces lieux qui attirent des populations précaires et qui subissent le départ de ménages actifs et de jeunes diplômés. Dans ce contexte, il est injuste d’évaluer la politique de la ville à l’aune de l’évolution des taux de chômage. En réalité, et compte tenu de la forte mobilité de la population depuis vingt ans, on peut affirmer que, sur ces territoires, l’Etat républicain n’a pas démissionné. Les pouvoirs publics, et notamment les services sociaux, n’ont en réalité cessé de s’adapter et de répondre à une demande sociale de plus en plus forte et spécifique. Les indicateurs sociaux "en stock" et autres tableaux de bord passent sous silence cette réalité. De la même manière, l’évolution du profil des habitants du parc de logement sociaux ne dit rien de l’investissement, en général sans faille, des bailleurs sociaux. »

Christophe Guilluy, Fractures françaises

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Rapport Borloo, "une erreur de diagnostic"

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 



 

L'ancien élu PS et président de SOS-Racisme appelle à "rétablir l'ordre républicain", avant l'adoption de toute mesure.

"L'heure n'est plus aux rapports d'experts, l'heure est à l'action". Les premières lignes du rapport sur les banlieues de Jean-Louis Borloo, remis ce matin au Premier ministre Edouard Philippe, annoncent 19 "programmes" pour réparer et redynamiser les quartiers oubliés de la République. Sans convaincre pour autant Malek Boutih, ancien député PS de l'Essonne, ex-président de SOS-Racisme et récent auteur lui-même d'un rapport sur la radicalisation de la jeunesse.

Dix-neuf programmes pour l'éducation, l'emploi, les transports, la sécurité... Après lecture du rapport, diriez-vous que les quartiers ont enfin des raisons d'espérer ?

Ce rapport porte la marque de l'ingéniosité et de l'esprit de Jean-Louis Borloo, mais il est voué, comme tout ce qui a été entrepris précédemment, à un échec profond. Parce qu'il est basé sur une erreur d'analyse fondamentale, qui consiste à penser que la banlieue dysfonctionne sur l'encadrement, le social, l'économie, alors que dans ces territoires, c'est la République qui est en train de s'effondrer. Le temps passant, l'accumulation des erreurs politiques a changé la nature de certains territoires où règne désormais le désordre social. Ce sont des territoires en marge de la République.

Ces quartiers "en marge" doivent-ils bénéficier d'un traitement différent des autres territoires, ce qui semble être la philosophie profonde du plan Borloo ?

Le rapport préconise une sorte de "Make banlieue great again". Mais ce temps est révolu. Soit la banlieue rejoint la France, soit la fracture qui est déjà terrible va continuer à s'aggraver. La banlieue est vue dans ce texte comme une start-up potentielle pour la France. Il s'agirait plutôt de renouer avec une tradition très ancrée : celle d'une République garante du traitement égalitaire de tous les citoyens, pas seulement les plus géniaux ou les plus excentriques. Nous devons normaliser ces quartiers. Oui, il peut y avoir des réalités sociales différentes, mais pas de "pays" dans le pays.

Quitte à renoncer à toute discrimination "positive", comme la création de cette "académie des leaders" qui serait réservée, dans un premier temps, aux jeunes des quartiers ciblés ?

L'objectif, c'est d'envoyer ces jeunes à l'ENA, pas dans la sous-ENA. Je préfère avoir cinq jeunes issus de ces quartiers à l'ENA plutôt que mille dans une sous-ENA. Parce que la lecture, en creux, c'est que l'on considère que la population et ces zones territoriales ne peuvent plus avoir une espérance dans ce pays. C'est de la charité politique, pas une politique républicaine.

Qu'entendez-vous exactement par une "politique républicaine" ?

Commencer par rétablir un ordre républicain social. Le "gangrénage" par la violence détruit tous les efforts de ceux qui continuent à se battre dans ces territoires. Prenons le cas de l'Education nationale : le rapport s'appuie sur des stéréotypes complètement faux. Certes, il s'agit de milieux populaires et pauvres, mais aujourd'hui, c'est la violence qui empêche les gosses de pouvoir étudier, et qui conduit les parents à les envoyer dans des écoles privées. Il y a une rupture de confiance totale. Les gens ne croient plus à l'Etat pour assurer la sécurité et l'avenir de leurs enfants. L'éducation, c'est un problème de décomposition sociale, mais aussi de violence. Il y a urgence à faire de toutes les écoles de la République des bastions de tranquillité, à l'abri des voyous et de tous ceux qui veulent faire du mal à la jeunesse. La police est donc une priorité, une condition sine qua non au lancement de tout processus. Le rapport n'en parle pas beaucoup, car il a été pensé à côté de la société. Une fois que l'ordre républicain est rétabli, vous pouvez engager des mesures. Ca doit être l'objectif prioritaire. Un objectif simple, mais qui paraît aujourd'hui inatteignable. Et c'est cela qui est inquiétant.

Pour vous, ces 48 milliards d'euros promis par le rapport ne serviront donc à rien ?

Ce rapport est une boîte à idées, plus ou moins neuves. Avec quelques gadgets dans l'air du temps comme le développement du numérique. Le dispositif va finir comme une petite poire financière, pour étancher la soif pour les villes en difficulté et répondre aux cris d'alarme des élus, comme Stéphane Gatignon. On tend un filet pour retenir ces zones sous contrôle. Au final, il restera une petite enveloppe de 500 millions d'euros par an. Il y aura trois ou quatre expériences pilotes, du grain à moudre pour les éditorialistes, mais la décomposition, elle, va suivre son cours.

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SOURCE : L'Express

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