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21/01/2020

21 janvier 1793

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Eric Zemmour VS Alain Finkielkraut

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Djihadisme : « Si on arrive à sortir des postures, la société pourra répondre à ce défi »

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INTERVIEW Depuis 2014, Hugo Micheron étudie les mécanismes de radicalisation. Son ouvrage « LeJihadisme français » vient clore cinq années de recherche, de la Syrie aux quartiers, en passant par les prisons

Propos recueillis par Hélène Sergent

À 31 ans, Hugo Micheron publie son premier ouvrage, résultat de cinq années d'enquête sur les djihadistes français.

 

-- Âgé de 31 ans, le chercheur au sein de la chaire Moyen-Orient Méditerranée de l’Ecole normale supérieure et enseignant à Sciences po Paris, publie une remarquable enquête sur les dynamiques et trajectoires des djihadistes français.

-- Dans le cadre de sa thèse, Hugo Micheron a mené 80 entretiens depuis l’été 2015 dans quatre prisons françaises où sont incarcérés des militants djihadistes, condamnés ou en attente de leur procès.

-- Avec cet ouvrage, il pointe les erreurs d’interprétation qui ont entouré le phénomène pendant des années et pose un diagnostic aigu de la radicalisation islamiste en France ces vingt dernières années.

 

Comprendre, définir, expliquer. Alors que le procès de Mourad Fares, l’un des recruteurs les plus actifs de la mouvance djihadiste doit s'ouvrir ce lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, l’ouvrage du chercheur Hugo Micheron livre une précieuse grille de lecture au djihadisme français. Publié aux éditions Gallimard, Le jihadisme français, Quartiers, Syrie, Prisons offre une plongée éclairante au cœur d’un phénomène trop souvent caricaturé ou nié.

Pendant cinq ans, dans le cadre de sa thèse, ce chercheur de 31 ans, enseignant à Sciences po Paris, est allé à la rencontre de ces Français partis en Irak ou en Syrie pour rejoindre les rangs d’organisations terroristes. Hugo Micheron a accepté de répondre aux questions de 20 Minutes.

 

-- Comment avez-vous « choisi » les 80 détenus – prévenus ou condamnés – avec lesquels vous avez échangé en prison ?

Je n’ai pas fait de sélection, au contraire, j’ai laissé le terrain « se faire ». J’ai commencé par les voir en groupes de 12 personnes, et je ne savais pas à qui j’avais affaire. Je ne connaissais même pas leur nom, je n’avais surtout pas accès à la procédure les concernant. Tout ce que je savais, c’est qu’ils étaient tous concernés par le djihad syrien. J’échangeais pendant un après-midi sur un thème donné et je voyais les profils qui se dessinaient. A la fin de l’échange, je leur proposais de les voir individuellement s’ils étaient volontaires. La plupart ont accepté.

Comment se déroulaient ces entretiens ?

Les détenus condamnés étaient plus détendus, il y avait une vraie liberté de ton. Comme les instructions sont longues pour ce type d’affaires, ils étaient en prison depuis plusieurs années et avaient plus de recul que ceux en attente de leur procès. J’en ai également vu certains qui, trois semaines plus tôt, combattaient à Raqqa. Mais c’était très intéressant puisqu’ils étaient beaucoup plus imbibés de l’expérience syrienne. Certains me disaient clairement « je ne veux pas parler de ce qui s’est passé en Syrie », du coup, on abordait plutôt leur parcours en amont.

Globalement, de façon assez surprenante, je n’ai pas eu de difficultés à conduire ces entretiens. Après, il y a des logiques d’instrumentalisation énormes avec ce public. Certains vont chercher à embellir la réalité, à se faire passer pour des repentis, mais ça ne m’importait pas. Je ne suis ni juge, ni flic. Qu’ils mentent ou pas, ce n’était pas ça qui m’intéressait dans l’entretien. Ce que je voulais, c’était voir les trajectoires, les dynamiques.

-- Comment expliquer que certaines zones géographiques aient été plus touchées que d’autres par le djihadisme et la radicalisation ?

Il existe une géographie du djihadisme français, une histoire, un contexte, un passé qu’on peut retracer dans des lieux précis. Dix à quinze zones en France ont été touchées et elles ont toutes en commun non pas d’être situées en banlieue ou marginalisées économiquement, mais d’avoir été investies par des militants djihadistes historiques. Soit des anciens du djihad afghan ou bosniaque, soit des anciens du Groupement islamique armé (GIA) algérien. Ces individus ne sont pas allés n’importe où, ils ont eux-mêmes identifié les quartiers dans lesquels ils se sont implantés. Ça a été le cas à Toulouse : les premiers salafistes vont apparaître dans le sillage des Frères musulmans et des tablighis à la fin des années 1990. Ils vont miser alors sur un groupe de dix personnes, très très à la marge, c’est le groupe des frères Clain. Dix ans plus tard, ils fédéreront autour d’eux plus d’une centaine de personnes. C’est ce mécanisme qu’on observe aussi à Trappes, à Roubaix, à Strasbourg, à Nice. On parle d’environnements restreints, identifiés et identifiables au sein de certaines villes, quartiers voire une barre d’immeubles, et ils fonctionnent comme des militants.

-- C’est-à-dire ?

Très vite, ils mettent en place des petites structures pour mailler le territoire. C’est pour ça que la logique d’approche de la justice qui l’analyse en termes de filière est en partie décousue de la réalité. Quand la justice condamne des membres de ce qu’on a appelé la filière « d’Artigat I » en 2007, elle considère que le problème du djihadisme à Toulouse est réglé. Or ces gens-là ont formé des relais sur place pendant six ans dans les quartiers du Mirail et aux Izards. Ils récupèrent leurs stands dans les marchés à leur place, montent des associations de loi 1901, font venir des prédicateurs de Belgique, etc. C’est ce qui explique que d’une dizaine d’individus autour des Clain on passe, dix ans plus tard, à 200-300 personnes. Et c’est dans ces 300 personnes qu’on va trouver, entre autres, Mohamed Merah.

-- Plusieurs profils se dessinent parmi ces djihadistes français : les pionniers, les cadres, les opportunistes… Qu’est-ce qui les lie et les différencie ?

Les dynamiques djihadistes françaises se sont connectées avec les dynamiques de la crise syrienne en trois temps, trois vagues de départs. La première se produit à partir de l’été 2012 et amène en Syrie ceux que j’appelle « les pionniers ». Ce sont les « vieux de la vieille », actifs depuis dix ans et à la tête d’entreprises de prédication. Ils ont des rôles très structurants dans la mouvance djihadiste française. Ils sont déjà en lien avec les organisations djihadistes syro-irakiennes, donc très vite intégrés dans les commandements à leur arrivée. C’est le cas de Jean-Michel Clain, qui est rapidement nommé émir. Contrairement à ce que pensait une bonne partie de la hiérarchie policière à l’époque, ils n’y vont pas pour mourir mais pour construire un Etat, l’« Etat islamique ».

La deuxième vague commence à prendre forme en 2013. Il s’agit en réalité du second cercle des pionniers, leur engagement djihadiste est plus récent, mais préalable. Ce sont les cadres de la mouvance. Ils sont rarement arabophones, ne sont pas en contact direct avec la hiérarchie des organisations terroristes et dépendent des pionniers pour leur intégration en Syrie et en Irak. Ils vont se retrouver là-bas au pire moment pour eux, c’est-à-dire au moment des luttes fratricides entre groupes djihadistes, entre Al-Nosra, affilié à Al-Qaida, et Daesh qui est en train de s’imposer comme une organisation autonome. A la fin de l’année 2013, 90 % des Français sur place ont fait leur choix et ont basculé chez Daesh. C’est dans cette vague qu’on va trouver les premiers revenants.

Enfin, la troisième vague regroupe tous ceux qui ont rejoint la Syrie à partir de 2014. A ce moment-là, Daesh s’est imposé comme un pseudo-califat, dispose d’un territoire et fait désormais appel à n’importe qui, aux jeunes convertis, aux « dangereux », et aux femmes qui étaient, jusque-là, les grandes absentes.

-- Quelle a été, selon vous, la plus lourde erreur des pouvoirs publics français dans l’appréhension de ce phénomène ?

J’en vois trois. La première, c’est l’affaire Merah. Réduire les meurtres de Toulouse et Montauban à un vulgaire fait divers, alors que c’était l’aboutissement de quinze ans de dynamique salafiste dans la région, c’était mettre un voile sur la réalité. On a perdu du temps à cause de ça. Il faudra attendre les attentats de 2015 pour qu’on prenne conscience que Merah, c’était autre chose qu’un loup solitaire.

La deuxième erreur, c’est de ne pas avoir compris le sens de ces départs en Syrie. Jusqu’en 2015, on considère que ces individus – souvent réduits à des idiots, ce qu’ils n’étaient pas – partent se faire tuer. On ne prend pas au sérieux ce qu’ils disent, à savoir fonder un « Etat islamique ». On n’a pas pris au sérieux leur engagement.

La dernière erreur, ça a été de considérer que, pendant cinq ans, il suffisait de s’en remettre à des interprétations rapides du phénomène, sans avoir besoin de renouveler la connaissance. En tant que citoyen, je trouve ça inquiétant qu’il ait fallu attendre cinq ans pour qu’un livre sorte sur le sujet. J’en suis très heureux, mais ça montre aussi le vide qui existe sur ce sujet et notre cécité collective.

-- Quels sont les écueils à éviter absolument et à anticiper selon vous si l’on souhaite endiguer le djihadisme français ?

On n’aura pas forcément de seconde chance. Le nombre de personnes impliquées dans ces réseaux djihadistes a été multiplié par 100 entre la guerre en Bosnie dans les années 1990 et le djihad en Syrie en 2015. Si on continue sur ces mêmes dynamiques, on va au-devant de grosses déconvenues. En revanche, si on prend au sérieux ces dynamiques, si on arrive à mener un débat serein, c’est-à-dire à s’approprier le savoir, à sortir du déni généralisé qui nourrit l’hystérisation, si on arrive à sortir de ces postures et qu’on élargit le débat, alors la société française aura la capacité de répondre à ce défi. Mais ce serait faux de croire que tout ça ne relève que du ressort de l’Etat, que ce n’est qu’une question sécuritaire. Ces territoires ont été travaillés de l’intérieur par des militants. C’est aussi une responsabilité de la société civile.

-- La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a récemment plaidé dans Libération pour le rapatriement des djihadistes français détenus en Irak et en Syrie. La position du Quai d’Orsay, elle, reste ferme : ils doivent être jugés sur place. Cette stratégie vous semble-t-elle la plus adéquate ?

C’est une question extrêmement complexe. Quand on voit la difficulté à gérer un djihadiste en détention, en rajouter plusieurs dizaines n’apparaît pas forcément comme la meilleure des choses. Mais laisser les djihadistes dans les prisons kurdes, dans l’une des zones les plus instables du monde où ils courent le risque de passer entre les mains de Bachar al-Assad, ce n’est pas mieux. Le régime syrien a une longue tradition d’instrumentalisation des réseaux djihadistes. Les maintenir là-bas, c’est confier un levier de chantage énorme à ce régime sur l’ensemble de l’Europe et plus particulièrement de la France. La position des gouvernements successifs consistait à gagner du temps, à penser que les Kurdes pouvaient faire le travail. Ce temporaire qui dure ne pourra pas durer éternellement et il va falloir se pencher sur le sujet.

-- Un député LR a interpellé à l’Assemblée nationale la garde des Sceaux à ce sujet. L’élu a cité un passage de votre ouvrage pour s’opposer au rapatriement de ces djihadistes. Qu’en pensez-vous ?

Ce genre de procédé participe de la logique de récupération politique prisée d’individus qui ne savent pas de quoi ils parlent. Ce risque de récupération existe et je le savais avant de me lancer dans ce travail. La recherche est restée extrêmement pudique sur le djihadisme et n’a rien osé documenter en partie pour cette raison. Résultat : le diagnostic n’a pas été posé. Ce livre existe justement parce que je voulais casser la machine à fantasmes. A la place de ces élus, je ne claironnerais pas trop fort, parce que cet ouvrage n’est glorieux pour personne, y compris pour les responsables politiques.

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SOURCE : 20 Minutes

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"La désinstruction nationale: une non-assistance à une jeunesse en danger"

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FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le professeur de philosophie René Chiche dénonce la responsabilité des institutions éducatives qui ont façonné, à travers des réformes incessantes, une école française qui n’instruit plus.

Par MARGUERITE RICHELME

 


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René Chiche est professeur agrégé de philosophie au lycée, vice-président d’Action & Démocratie, représentant CFE-CGC et membre du Conseil supérieur de l’éducation. Il vient de publier La désinstruction nationale (éditions Ovadia, 2019).

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FIGAROVOX -- Qu’est-ce que la désinstruction nationale que vous dénoncez dans votre ouvrage ?

René CHICHE -- Il fut un temps, pas très lointain d’ailleurs, où l’on quittait l’école en sachant convenablement lire et écrire, c’est-à-dire où l’école instruisait. On entre aujourd’hui à l’université en sachant à peine lire et en ne sachant pas du tout écrire. C’est un fait. Et cela est proprement stupéfiant. Comment peut-on tolérer que des générations entières passent une quinzaine d’années sur les bancs de l’école et parviennent jusqu’aux portes du supérieur en maniant leur propre langue comme s’il s’agissait d’une langue étrangère? Ce n’est d’ailleurs même pas assez dire pour qualifier le charabia dans lequel sont écrites la plupart des copies que je lis. Il y a toujours eu un petit nombre de très mauvaises copies comme de très bonnes mais désormais les copies indigentes à tout point de vue constituent la grande majorité des copies, au point qu’on juge bonnes des copies qui étaient hier seulement médiocres.

Pour qu’on comprenne bien que je ne suis pas en train de hurler à la catastrophe à cause de quelques fautes d’orthographe ou de quelques perles qu’il est si facile d’exhiber mais dont on ne peut en réalité tirer aucune conclusion, j’ai pris la peine de donner un échantillon représentatif de ces copies dans le premier chapitre, lui-même intitulé «bac à l’oréat» parce que c’est ainsi que je l’ai vu écrit une fois sur l’en-tête d’une copie d’examen. J’aurais pu en remplir dix volumes. Ceux qui liront cet échantillon comprendront alors immédiatement ce qu’est la «désinstruction»: lorsque l’institution censée prendre soin de l’esprit des jeunes gens les laisse dans un tel état de quasi-illettrisme tout en leur promettant «la réussite» matin, midi et soir, je crois que ce néologisme n’est même pas assez fort pour décrire ce qui est de la non-assistance à jeunesse en danger, affamée de lettres et de culture que l’école renonce à transmettre parce qu’un grand nombre des acteurs considère que ce sont des vieilleries inutiles. L’école n’instruit plus et laisse l’esprit en jachère.

Le problème, ou plutôt le scandale, est qu’on a interdit de dévoiler la réalité aussi bien que l’ampleur de cette désinstruction. Tous ceux qui osent soulever un coin du voile se font immédiatement rappeler à l’ordre par quelque colonel de pensée veillant à l’orthodoxie en la matière. «Les jeunes de maintenant savent d’autres choses», dit-on. Ils ont «d’autres compétences». Ah bon? Parce que la dextérité dans la manipulation du clavier virtuel serait une «compétence»? L’aptitude à baragouiner la langue de Shakespeare compenserait l’incapacité à manier passablement celle de Molière? Bien sûr que non! Ce sont des fadaises, et j’ai écrit ce petit livre pour qu’on cesse une bonne fois de nous les servir et qu’on ait enfin le courage de regarder la réalité en face. La langue est l’instrument de toute connaissance, y compris et surtout l’instrument de la connaissance de soi. On ne peut rien savoir vraiment quand le moyen de la compréhension n’est pas maîtrisé. À défaut de savoir, on apprend par cœur des cours auxquels on ne comprend strictement rien, comme je le relate par des anecdotes dont j’aurais pu là encore remplir plusieurs volumes. Or, entre croire et savoir, il faut choisir.

FIGAROVOX -- Quand penser devient de plus en plus difficile pour les élèves (par manque de mots, de concepts), quelles sont les conséquences à venir pour ces futurs citoyens ?

René CHICHE -- Penser n’est pas difficile pour les élèves, penser est interdit. Vous savez, penser est difficile et le demeure, même pour des penseurs professionnels! Car «penser, c’est dire non!»: non à la première idée qui se présente, non à la facilité, non à l’habitude et ainsi de suite. Il ne s’agit donc pas que penser devienne facile. Il est si facile de se contenter d’à-peu-près. Or savoir à peu près lire, c’est en réalité ne pas savoir lire. Et ainsi du reste: penser approximativement, c’est adhérer à un discours et réagir à des mots comme un taureau devant le chiffon rouge.

C’est croire, et non penser. On n’apprend à penser qu’en grande compagnie. Alors oui, on doit s’inquiéter des conséquences politiques de la désinstruction, parce qu’en République, l’école est d’abord instituée non pour procurer un métier ou je ne sais quel savoir-faire mais pour qu’il y ait des citoyens dignes de ce nom, capables de juger et de critiquer. Oui, il faut s’inquiéter de ce que deviendront des élèves qui n’ont presque rien lu, qui ne connaissent Montesquieu ou Montaigne que de nom, à qui l’on apprend, en croyant bien faire, à décrypter les «fake news» pendant des heures où l’on renonce à leur apprendre les subtilités de leur propre langue. Il faut s’inquiéter du devenir de ceux que l’on a privés d’heures de français au cours desquelles ils auraient acquis la maîtrise de la langue en puisant à la source et que l’on préfère faire débattre de tout et de rien sous couvert d’un prétendu «enseignement moral et civique» qui est une forme de dressage, quand on ne va pas jusqu’à faire commenter des «tweets» en classe !

Mais la formation du citoyen n’est pas seulement intellectuelle, elle est aussi morale, et de ce point de vue encore, l’école renonce. Presque personne n’ose déplaire. Il faut non seulement aimer mais faire aimer la difficulté si l’on veut penser et se tenir debout, puisque c’est la difficulté surmontée qui fait progresser. Mais on fait tout le contraire: on cherche à intéresser au lieu d’instruire et l’on traite l’élève en consommateur, allant jusqu’à dévoyer la pédagogie pour la mettre au service de la paresse et de la désinstruction. Songez par exemple que le Code de l’éducation lui-même a banni le mot «instruction» de la loi et que la noble tâche de l’école n’est plus d’instruire, comme le voulait Condorcet, mais de garantir (oui, garantir!) la «réussite»! La belle affaire! On réclamera bientôt la réussite par pétition !

D’ailleurs on le fait déjà. On oublie toutefois que la réussite présuppose le travail, l’effort et même l’échec, duquel on apprend à se relever par persévérance, et c’est cela qui est formateur. Les professeurs sont aux premières loges de ce triste spectacle et ne cessent de dénoncer et déplorer ce fonctionnement absurde auquel tous cependant consentent ou se résignent. Un élève qui a des difficultés passera tout de même dans la classe supérieure, où ses difficultés grossiront et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elles deviennent des lacunes qui paraîtront insurmontables. On ne lui fera pas trop remontrance, de peur de le traumatiser. Il parviendra jusqu’en Terminale en ne sachant pas écrire. Il se trouve enfin des gens, même parmi les professeurs, ceux que j’appelle les militants de la désinstruction, pour justifier ce passage automatique d’un niveau à l’autre. Ils ont d’ailleurs supprimé la notion même de niveau et l’ont fait remplacer par celle de «cycle» en prétextant qu’il fallait respecter les «rythmes» d’apprentissage: voilà, entre autres choses, comment des élèves arrivent jusqu’au baccalauréat non seulement en ne sachant pas s’exprimer avec clarté mais en n’ayant parfois jamais travaillé.

FIGAROVOX -- Face aux «pédagogistes», existe-t-il encore des enseignants fidèles à un enseignement classique, historiquement républicain ?

René CHICHE -- On ne devrait pas qualifier de «pédagogistes» ceux qui s’emploient à détourner la pédagogie de sa vocation, qui n’est pas de s’adapter mais bien d’élever. Il y a en effet une poignée de militants de la désinstruction, y compris dans le corps enseignant, mais ce qui est en cause, c’est le fonctionnement de l’institution plutôt que le rôle et la responsabilité de tel ou tel. Les «pédagogistes» sont avant tout des carriéristes. Quand on aime son métier, on le fait et on ne passe pas son temps à en parler. L’artiste puissant, dit Alain, ne parle guère.

Dans un chapitre intitulé «Les boutons de manchettes», j’explique et décris assez crûment la façon dont le professeur que vous qualifiez de «classique», c’est-à-dire «à l’ancienne» (manière de parler à la fois révélatrice et dramatique), est aujourd’hui menacé par ceux qui étaient auparavant chargés de le protéger, chefs d’établissement aussi bien qu’inspecteurs. Il faut aller sur le terrain pour observer comment les choses se passent. Les chefs d’établissement sont poussés à se prendre pour des «managers» et, pour se faire bien voir de leur propre hiérarchie, ont tendance à inciter les professeurs à faire de même. On voit ainsi proliférer une nouvelle espèce d’enseignants prompts à faire des «projets», à faire parler d’eux, à faire les intéressants. La plupart du temps, ces «projets» sont affligeants. Mais, voyez-vous, un professeur qui fait simplement son travail, qui ne fait pas de bruit, qui ne cherche pas à faire parler de lui dans le journal de la commune, est considéré par sa hiérarchie comme un mauvais professeur, voire un encombrant que l’on attend de pouvoir remplacer par un enseignant (j’emploie ce mot à dessein pour le distinguer de celui de professeur) docile, recruté par contrat, taillable et corvéable à merci.

On parle désormais de «l’équipe» pédagogique comme de «la communauté éducative»! Il y a cependant toujours des professeurs, de vrais hussards noirs, et en réalité ils le sont encore presque tous, et cela en vertu de leur mode de recrutement. Car un professeur est avant tout un intellectuel. C’est sans doute la raison profonde pour laquelle, si on veut en finir avec les hussards et les remplacer par des animateurs ou de simples assistants dans le face-à-face entre l’élève et l’écran auquel certains voudraient que ressemble dorénavant l’enseignement, on cherchera d’abord à réformer le mode de recrutement et le concours, qui fait encore la part belle à la maîtrise d’un champ disciplinaire. L’autorité morale du professeur a pour fondement son autorité intellectuelle. Et depuis toujours ceux qui font profession de penser ont pour ennemis jurés, à leur corps défendant, tous ceux qui mettent l’administration des choses au-dessus du gouvernement des hommes et du soin que l’on doit à l’esprit.

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SOURCE : Le Figaro

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