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29/10/2020

Un exercice de tourment, une autodestruction sans issue

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« Le plus dur n'est pas de faire quelque chose, mais de vivre. La difficulté tient à l'essentiel, non à l'accidentel. Nous trouvons tous à nous occuper -- car on ne saurait continuer à vivre sans la superstition de l'action -- mais "être" en tant que tel est un exercice de tourment, une autodestruction sans issue. La révélation de notre existence entrave nos pas, nous coupe le souffle et nous fige au milieu d'un monde sans horizon. L'inconvénient qu'il y a à exister ne résulte pas de nos années de mûrissement ou de maturation automnale, mais constitue notre déficience originelle, et la source où puise notre manque de fondement. Ainsi cette révélation du fait pur d'exister devient-elle un équivalent du péché originel, dont c'est la fonction même du temps que de le renouveler à jamais en nous. »

Emil Cioran, Divagations

 

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Le rêve de l’Orient, la cendre des siècles asiatiques

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« Quand Astiné eut fini son récit, le jeune homme désormais avait dans sa conscience, comme un virus dans son sang, un principe par quoi devait être gâté son sens naturel de la vie.

Je ne veux pas dire seulement qu’il était tourmenté de voluptés imaginaires et par là dégoûté des imperfections de toute existence. Cette inquiétude, fréquente à son âge, est toute analogue à la maladie des jeunes chiens ; l’énergie du sujet en triomphe facilement, aidée par la médiocrité ambiante qui a vite fait de fondre nos humeurs singulières… Mais quelque chose de plus grave vient de se composer en François Sturel qui commandera son humeur.

Défiance de petit garçon maltraité dans les lycées, exaltation quand, à dix-sept ans, l’étoile de poésie avait surgi des livres, songes de la vie et de la mort sous les premières nuits d’été que distingua de l’hiver son àme de prisonnier, angoisses métaphysiques au pied de la chaire de Bouteiller, — tous ces éléments et bien d’autres flottaient dans ce jeune homme, de qui la mère à vingt ans avait été rêveuse. Le récit d’Astiné isola Sturel de la vie mesquine, lui forma une sorte d’atmosphère particulière qui, le pressant de toutes parts, détermina une condensation générale de ces vapeurs.

Dans ce premier instant, il put supposer un accroissement de sa force intérieure. Son énergie cessait de sommeiller, bouillonnait dans ses veines. Cependant, les paroles d’Astiné laissaient diffuser leurs dangereux éléments étrangers dans cet organisme en désordre. Sturel, qui subit l’invasion énervante de l’Asie, en croit d’abord sa clairvoyance plus étendue. Quelle erreur ! Ce n’est pas une plus-value que lui laisseront ces grands mouvements : les vagues sentiments qui l’envahissent ou qui, déjà présents en lui, s’y développent, ne valent que pour le détourner de toutes réalités ou du moins des intérêts de la vie française.

La première excitation dissipée, il put reconnaître en son âme un principe qui n’était pas de sa nature. Comme une matière dissoute, à mesure que le temps passe, abandonne son dissolvant et tombe au fond du vase, quelque chose s’était déposé au fond de François Sturel qui était l’essentiel de ces vapeurs mélancoliques, un précipité de mort.

Si l’on admet que des poussières toxiques peuvent pénétrer la vie morale d’un adolescent, on s’étonnera peut-être que la conversation d’une femme soit ici leur véhicule. C’est méconnaître les prestiges de la poésie.

Il était naturel qu’un récit apporté des pays de la toison d’Or remuât tout le romanesque d’un enfant généreux, grandi entre les hauts murs d’un cachot et dont les puissances n’avaient pas eu d’issue vers la nature, vers le risque et vers l’amour. Les rossignols de qui l’on crève les yeux sont au printemps les plus éperdus de lyrisme… Une ville d’Orient parmi des vergers, assise dans le crépuscule auprès d’un cimetière, telle devait être désormais la patrie de ses rêves, la cité de ses trésors. Elle chantait pour lui, du fond des déserts antiques ; et de ses terrasses se levaient, comme au crépuscule le chant du muezzin, tous les vers qu’il avait élus aux veillées de son collège. Un voile la recouvrait comme une beauté nubile de l’Asie. Et c’était encore une pleureuse qui, sur un cadavre, se déchire le sein et qui fait aimer avec précipitation une vie destinée à si vite se défaire.

Présentée par les mains d’une femme, cette coupe de poison doit d’autant mieux agir que Sturel est mal pourvu, peu préparé à résister. Ses forces vitales héréditaires, on les a par système affaiblies. Il ferait face à l’assaut s’il était, depuis sa petite enfance, demeuré dans son domaine national, parmi ses vraies propriétés psychiques. Mais l’enseignement universitaire l’a conduit sur le plan de la raison universelle. D’ailleurs, s’il est constant qu’un esprit vigoureux, bien assuré de ses assises, peut se hausser de son étroite patrie, de son milieu et de sa race, pour atteindre à d’autres civilisations, on n’a constaté chez personne l’énergie de faire de l’unité avec des éléments dissemblables. Un enfant de Neufchâteau, le fils d’une province militaire et disciplinée, saurait sans périr prétendre à s’assimiler tout l’hellénisme. Mais le rêve de l’Orient, la cendre des siècles asiatiques, n’est pas pour lui respirable. »

Maurice Barrès, Les déracinés

 

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Le luxe

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