19/09/2005
The Show Must Go On
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=
Entre 1983 et 1985... je ne me souviens plus exactement... j'ai entre 18 et 20 ans... je découvre Guy Debord.
Je lis « La société du Spectacle », assez difficilement, je dois le reconnaître, mais je le lis... et le lisant, je prends une claque monumentale ! Le refermant je ne peux plus considérer le monde du même regard.
Rappelez-vous, c'était le tout début des Radios libres sur la bande FM et on sentait déjà le vent tourner et tout se joli monde « libre » retourner sa veste pour s’orienter vers la Publicité... idem pour la télévision... les nouvelles chaînes se calquaient outrageusement sur les modèles Italiens ou Américains, on parlait de plus en plus d'Audimat, de quotas, et la télé populaire allait se transformer rapidement en télé poubelle ! Tout ça sous les bons hospices de notre Machiavel... pardon, de notre Prince... pardon… tout ça sous les bons auspices de "Tonton"... merde ça m'a encore échappé... les bons auspices de Mitterrand... euh... Socialiste de Gauche... décoré de la Francisque... etc... etc...
« ANNÉES 80, ANNÉES FOLLES »... chantait déjà Louis Bertignac.
Bref, dans ce climat assez nauséabond, je fréquentais encore un peu le milieu Libertaire, les nerfs à fleur de peau, la jeunesse me couronnant, je lu donc ce livre dans un état assez fiévreux avec le sentiment très clair d'entrer dans une autre lecture du monde ! Puis j'en restais là...
Bien des années plus tard je lu « Cette mauvaise Réputation » et... récemment j'ai ressortis à nouveau « La société du spectacle » que j'ai furieusement annoté et relu avec la maturité de mes 40 piges...
Pourtant, le problème du regard, de la fascination pour le Show (Debord citait Shakespeare... la scène de la vie est bien là) n'est pas un problème si on parvient à effacer le Cinéma dictateur de sa vie propre, en le reléguant à de la distraction néfaste, en en gommant les aspects hypnotiques (exemple : "SCARFACE" et ses ravages sur les jeunes des Cités !)… soudain, cela permet simplement de rentrer en communication avec SOI, rétablir le lien perdu avec ce JE qui est un AUTRE... ( Rimbaud)... et que se passe-t-il si on y parvient un tant sois peu ? On échappe à la cohorte, à la Violence Festive constante... à la violence COMMUNICATIVE organisée de « L’Euphorie Perpétuelle » qui étouffe en nous toute clairvoyance, toute sensibilité propre... on échappe à tout ce qui se déchaîne jour et nuit dans le gigantesque appareillage de la technicité... soudain, on retrouve une dimension de la parole, donc de l'ÊTRE qu'on ne soupçonnait plus.
Ne pas laisser « LÉGION » NOUS PÉNÉTRER.
DEBORD : « LA FONCTION DU CINEMA EST DE PRÉSENTER UNE FORME COHÉRENTE ISOLÉE, DRAMATIQUE OU DOCUMENTAIRE, COMME REMPLACEMENT D'UNE COMMUNICATION ET D'UNE ACTIVITÉ ABSENTES. »
Il tenta un Cinéma différent. Peu y prêtèrent attention.
DEBORD : « Le spectacle est l'affirmation de l'apparence et l'affirmation de toute vie humaine, comme simple apparence. » Que clame Debord dés le début de « La société du Spectacle » ? Que tout ce qui était vécu directement, de manière incarnée s'est éloigné dans une représentation. Il écrit cela en 1967, un an avant l'explosion de Mai 1968. Il annonce les festivités outrancières et hypnotiques qui vont s'installer dés les années 80 dans les têtes et les consciences... il déclare que ce qu'on veut nous faire passer pour de nobles sentiments n'est que l'organisation « Nivellatrice » qui doit accoucher de l'Homo-festivus, ce "dernier homme" qu'annonçait Nietzsche aussi, clignant des yeux devant ce qui ressemble à de la Culture mais n'en est plus du tout...
TECHNO PARADE, GAY PRIDE, INTERVENTIONS D'ACT-UP, TÉLÉTHON, CONCERTS DE J.M. JARRE et DÉFILÉS GOULD... jusqu'à CNN ET LES GUERRES EN DIRECT-LIVE (!), et AUTRES LOFT STORY et STAR ACADEMY... Règne recherché de LA TRANSPARENCE DOMINATRICE qui a même eu ses premiers tests étatiques en URSS sous Gorbatchev, le premier but (Assainir le Pays de son Stalinisme!) étant dépassé rapidement et orienté vers le tout Spectaculaire et l'Outrance.
Hypnose Castratrice !
DEBORD : « Le spectacle,comme organisation sociale présente de la paralysie de l'Histoire et de la Mémoire, est la fausse conscience du temps. »
De nos jours, le Spectacle est de plus en plus Puissant, cela va sans dire.
DEBORD : « Les spécialistes du pouvoir du spectacle, pouvoir absolu à l'intérieur de son système du langage sans réponse, sont corrompus absolument par leur expérience du mépris et de la réussite du mépris ; car ils retrouvent leur mépris confirmé par la connaissance de l'Homme méprisable qu'est réellement le spectateur. »
CAR EN EFFET, Où QUE L'ON REGARDE, QUE VOIT ON, SI CE N'EST CETTE INCRÉDULITÉ SPECTATRICE, CETTE NAÏVETÉ PLEINE DE BONS SENTIMENTS ANGÉLIQUES, À L'ÉGARD DE TOUT ET DE RIEN, DE L'ATTENTAT DU 11 SEPTEMBRE 2001 À LA REFORMATION HYPOTHÉTIQUE DU GROUPE ROCK TÉLÉPHONE ?
Nous sommes bien dans ce format de pensée dorénavant où TOUT est APPLATI ET NIVELLÉ... où les nuances sont de plus en plus difficiles... où donc penser ne signifie plus grand-chose. Partout règne ce « RESPECT D'ENFANTS POUR DES IMAGES ».
Debord a été très bien compris par les publicitaires qui nous inondent constamment de 1000 et une créations de toutes sortes guère censées ( le devinez-vous ?) nous éveiller à la vie, mais plutôt à la CONSOMMATION... donc aux MODES... donc aux disparitions des MODES... donc aux déchets. Principe même de contre-initiation.
Le règne du Spectacle est bien l'évidence même... Le comportement de chaque homme, chaque femme, chaque enfant se trouve infecté dans ses sensations, sa mémoire, ses rêves, la perception de son corps, le déroulement de ses idées (si l'on suppose qu'il lui en reste).
Banaliser l'Espace par les représentations qu'en donne le spectacle, confisquer le temps par les loisirs débiles qui sont sensés nous reposer de notre travail (souvent débile lui aussi), le cinéma, la télévision, la musique, la littérature, la peinture... tout ce qui est produit aujourd'hui, à quelques exceptions près, œuvre dans ce sens. De plus Debord s'est tenu à l'écart de toute médiatisation... il a écrit, réalisé quelques films introuvables, agit dans l'ombre... Ce n'était ni un diable, ni un dieu, certainement pas un Saint... mais il a refusé toute Sacralisation de sa personne et on peut dire que ça lui a réussi puisqu'on ne sait que très peu de choses sur lui et ce qu'on sait on le sait surtout à travers ce qu'il a créé.
On sait combien notre époque aime mettre en scène ses martyrs : de Jim MORRISON à LADY DI... en passant par mère Thérèsa et les restaus du cœur. Et j'oublie le "CHÉ" christique, l'enterrement de Mitterrand... Bref, tout ça... regroupé en une fusion Spectrale, spectaculaire, Atomique !
Debord. Je reste persuadé que sa fulgurance en ce bas monde est difficile à comprendre et je ne me place pas en héraut de sa pensée... j'ai juste le réel sentiment que ce type qui écrivait à 23 ans, 15 ans avant Mai 68, sur les murs de Paris : "Ne travaillez jamais !" avait vu juste pour bien des choses nous concernant aujourd'hui. Mon but n'est pas la polémique pour la polémique. Il est mort il y a 11 ans... attendons un peu... bientôt les discours, tous plus contradictoires les uns des autres vont fuser ! Cet homme était très lucide. DEBORD : « LE PROBLÈME EST BIEN L'ACTION COMMUNE D'INDIVIDUS LIBRES, LIÉS SEULEMENT PAR ET POUR CETTE LIBERTÉ CRÉATRICE RÉELLE. » Il n'avait pas trouvé la panacée et ne le prétendait pas... il cherchait… voyant bien que fomenter une subversion authentique à l'égard de la subversion SPECTACULAIRE était "un problème". Il appelait à l'éveil de la poésie et des arts dans la vie... à la mise en danger de nos idées toutes faites... SEUL MOYEN DE FAIRE EXPLOSER UNE RÉVOLUTION VERITABLE... QUE LA LANCÉE ET LE CHANGEMENT SOIENT CONSTANTS... INFINI,aurais-je envie de dire... SANS FIN... La création constante de Situations épanouissantes et ouvertes…
DEBORD : « LA FORMULE POUR RENVERSER LE MONDE,NOUS NE L'AVONS PAS CHERCHÉE DANS LES LIVRES,MAIS EN ERRANT. C'EST UNE DERIVE À GRANDES JOURNÉES,Où RIEN NE RESSEMBLAIT À LA VEILLE ; ET QUI NE S'ARRÊTAIT JAMAIS. »
« POESIE : OUI, MAIS DANS LA VIE. »
« IL FAUT CONCEVOIR ET FAIRE UNE CRITIQUE QUI SOIT UNE VIE. »
Et que penser des sympathiques Soixante huitards qui ont symbolisé Médiatiquement cette "chienlit" que fut ce mouvement ? DEBORD : « TANT DE GENS QUE NOUS AVONS VUS FAIRE BEAUCOUP DE BRUIT SE SONT RANGÉS TOTALEMENT, DE LA FAçON LA PLUS RIDICULE, PARFOIS LA PLUS IGNOBLE. NI LA LIBERTÉ NI L'INTELLIGENCE NE SONT DONNÉES UNE FOIS POUR TOUTES. ET LEURS SIMULACRES SONT NATURELLEMENT BIEN PLUS FRAGILES, ILS SE DÉCOMPOSENT AVEC LA MODE. »
Je vois Daniel Cohn-Bendit, Kouchner et toute la clique... Gauche caviar rentrée dans l'ordre et obtenant presque par la mendicité quelques aménagements pour l'existence misérable du Bas-Peuple qui, lui, est tétanisé devant l'écran quotidien où on organise sa vie et à laquelle, finalement,il consent joyeusement...
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Bande son du moment :
* « Blackened Sky » de Biffy Clyro
Lectures du moment :
*La Divine Comédie de Dante
*Illuminations de Rimbaud
Citation du jour : « La haine est sainte. Elle est l'indignation des coeurs forts et puissants, le dédain militant de ceux que fâchent la médiocrité et la sottise.» Émile Zola
Humeur du moment : Dégoûté
23:20 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : 06-Humeurs Littéraires : The Show Must Go On | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Bonjour Nebo, vous lire le dimanche matin c'est assez revigorant. Je vous remercie d'être passé sur un de mes blogs, ce qui m'aura permis de découvrir le vôtre. Guy Debord m'a moi-aussi beaucoup frappé par sa pertinence; je vais de ce pas relire aujourd'hui grâce à vous sa "Société du spectacle". Merci.
Écrit par : NGK | 18/12/2005
e viens de poster un article sur Champ G, le blog collectif d'un réseau auquel j'appartiens, les Freemen, qui renvoie à votre blog, à votre texte: http://blpwebzine.blogs.com/champg/
Écrit par : NGK | 18/12/2005
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