12/08/2009
C'est la nuit, je suis en vacances...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Ce que j’ai aimé dans le Journal d’un tueur sentimental de Luis Sepúlveda :
« (…) Elle est rapidement devenue une femme, à force de servir ses hanches se sont épanouies, son regard est devenu coquin, elle a compris que le plaisir c’est l’exigence, elle s’est entichée de la soie sur son corps, des parfums exclusifs, des restaurants avec des garçons élégants comme des ambassadeurs et des bijoux de créateurs. Elle a franchi le grand pas qui sépare la minette de la chatte.
(…)
c’est que je t’envie parce que pour toi tout sera terminé au moment où je vais te plomber, en revanche moi, mon frère je devrai continuer à vivre.
(…)
Il semblait que ses péchés étaient de ceux qui comptent, et il avait l’air habile.
(…)
Bien sûr. Une métisse m’a pris cent mille pesetas et un demi-litre de sperme. C’est mieux que le valium, lui ai-je indiqué sans vouloir être pédagogue.
(…)
Il a eu l’air de comprendre parce qu’au lieu de me vanter un matador auquel les femmes jetaient leur soutien-gorge, il s’est mis à se plaindre des Arabes, des Noirs, des Gitans, des Latinos, et de toute l’humanité qui ne répondait pas à ses critères de petit gros Européen qui sent la frite. Une fois de plus j’ai regretté l’absence d’un 45 dans ma main droite.
(…)
Mais bon Dieu d’où sortent les taxis ? Celui qui m’a amené de l’hôtel au centre des congrès était un Turc avec des moustaches longues comme un guidon de bicyclette, et dès que j’ai posé mon cul sur le siège protégé par un plastique il m’a pris pour cible de son ardeur prosélyte. Il a maudit toutes les femmes en jupe courte qui se promenaient dans la rue, toutes les publicités de rhum Bacardi, de cigarettes et finalement, en me demandant de ne pas m’offenser, il s’en est pris aux étrangers qui amenaient des mœurs pernicieuses. Quand nous sommes arrivés au centre des congrès il chiait sur la mère de Kemal Atatürk. En le payant je me suis promis d’honorer les professionnelles de l’amour et de ne plus jamais traiter de fils de pute ceux qui ne le mériteraient pas. Fils d’Allah me semblait une insulte beaucoup plus forte.
(…)
Il avait cet aplomb subtil qui trahit le malin, le dragueur qui ne se retrouve jamais seul au lit.
(…)
L’image de ma belle Française apparaissait à de douloureux intervalles dans ma mémoire, comme une publicité pour quelque chose que je ne pourrais jamais acheter.
(…)
Au bar international, à l’abri des conneries islamiques des garçons, je me suis enfilé trois gins et j’ai ensuite appelé Paris.
(…)
Le taxi qui m’a amené de l’aéroport au centre de la ville était turc mais sa nationalité ne l’excluait pas de la tribu universelle des indiscrets.
— Comment vous avez trouvé Istanbul ? Une belle ville ! N’est-ce pas ? cracha-t-il sans pitié.
— Comment vous savez que c’est de là que j’arrive ?
— Parce que c’est le dernier vol international protégé. Vous savez de quoi je parle ? Un avion atterrit à Francfort toutes les trois minutes, mais les vols en provenance de Turquie arrivent sur une piste de haute sécurité. C’est à cause des Kurdes, vous savez ? C’est une bande de terroristes et les Allemands prennent des précautions.
— Ça n’a pas été bien pour moi Istanbul.
— Ça ne m’étonne pas. C’est ce qui arrive aux touristes qui ne veulent pas qu’on les conseille. A Istanbul on ne drague pas une femme même si on est Alain Delon, mais il y a les Suédoises et les Allemandes à Edirne. Elles se baignent toutes à poil et se rôtissent sur le sable. Maintenant si vous êtes plus exigeant, les rues de Galata sont pleines d’éphèbes de rêve. C’est comme à Cadaqués mais le mark allemand vous ouvre tous les cœurs et tous les petits culs. — Merci pour ces informations, mais je voulais baiser une femme velue. En plus le tchador m’excite comme une bête, ai-je affirmé au lointain fils d’Allah. »
J’ai relu ces passages que j’avais très vaguement en mémoire, ayant lu cette courte nouvelle le 4 mai 1998. Cette précision ne provient que de la note que j’ai apposée à la fin de mon exemplaire et où j’ai précisé : « Petit livre net, sec, vif et clair, comme un rapide coup de lame au travers de la gueule. » Une jolie petite histoire d’amour qui se termine en dérangeante « happy end ». Pas d’inquiétude, le « héros » de l’histoire s’en sort très bien :
« — Emmène-moi d’ici… a-t-elle gémi contre ma poitrine.
— Bien sûr, mon amour, lui ai-je murmuré à l’oreille avant de tirer sous son joli sein gauche, parce qu’il le fallait, parce que je l’aimais, mais je ne pouvais pas agir autrement pour mon dernier travail. J’était un tueur, et les professionnelles ne mélangent pas le travail et les sentiments.. »
Luis Sepúlveda, Journal d’un tueur sentimental
J’ai brulé tant de navires en pleine mer. Les reflets des flammes dans les eaux noires, de nuit, c’est quelque chose. Un beau spectacle plein de fièvres et de tragédies. Et je suis là aujourd’hui à tricher comme je peux pour, au travers de mes masques, parvenir à effleurer du bout des doigts, une parcelle de vérité sur l’âme humaine, à tracer ces lignes dans le train nocturne de ma désespérance, au milieu de mon îlot de livres.
- Le latin est mort, vive le latin ! de Wilfried Stroh
- La redécouverte de l’esprit de John R. Searle
- Georgiques de Virgile
- Les Métamorphoses d’Ovide
- La Perse antique de Philip Huyse
- Le Japon d’Edo de François et Mieko Macé
- Les Aztèques de Jacqueline de Durand-Forest
- Les Mayas de Claude-François Baudez
- Les Incas de César Itier
- Le faussaire et son double. Vie de Thomas Chatterton de Lucien d’Azay
- L’Humeur indocile de Judith Schlanger
- Les Grecs et la mer de Jean-Nicolas Corvisier
Autant me pendre tout de suite. Explorations solaires et kafkaïennes en perspectives. Si je trouve le temps de transformer mes butinages en lectures authentiques. Je fais ce que je peux, bordel ! Ma soif est insatiable mais elle a tendance à me submerger. Puis merde, ami lecteur, amie lectrice, je me saoule avec un mauvais vin serbe, coup de nostalgie oblige, alors ça ne m’aide pas à voir clair, ou peut-être que ça me fait tout voir avec une extrême clairvoyance. Allez savoir ! La réalité aussi me submerge, me voyant j’en viens à manquer de souffle, à manquer de mots. « Sang d’ours » est le nom du vin. MEDVEDA KRV.
« Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient. »
Rimbaud, Une saison en enfer
Et Rainer Maria Rilke dans Tendres impôts à la France :
« Reste tranquille, si soudain
l’Ange à ta table se décide ;
efface doucement les quelques rides
que fait la nappe sous ton pain.
Tu offriras ta rude nourriture
pour qu’il en goûte à son tour,
et qu’il soulève à sa lèvre pure
un simple verre de tous les jours.
Ingénuement, en ouvrier céleste,
il prête à tout une calme attention ;
il mange bien en imitant ton geste,
pour bien bâtir à ta maison. »
Le vin du Sud, même mauvais, apporte des stances muettes, véritables symphonies intérieures, qui me font sourire à l’ombre de ma main malgré la menaçante ténèbre.
«Le Sud, école de guérison.» Nietzsche
Mais au bout du compte, Baudelaire aussi : « Connais donc les jouissances d’une vie âpre, et prie, prie sans cesse. »
Pourtant, dans ces instants privilégiés, mes instants, je suis comme Montaigne dans sa tour, à me confronter à mes doutes, à me disséquer sur la page en un équarrissage pointu et bien plus précis qu’il n’y paraît. Une relecture rapide des mes notes passées sur ce modeste Blog me le confirme : j’en dis beaucoup même quand je semble ne pas en dire beaucoup. Je vais sous l’épiderme. Privilège crâneur d’écrivain.
C’est la nuit. Je suis en vacances.
03:18 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (5) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Je vous déteste.
Écrit par : sandgirl | 12/08/2009
Et ça me plaît.
Écrit par : sandgirl | 12/08/2009
Le pré tendre, en duel.
Écrit par : sandgirl | 12/08/2009
Le double en tendre, pour la troisième oreille.
Écrit par : sandgirl | 12/08/2009
Sinon, c'est tout ce qu'elle contient, votre bibliothèque ?
On se fait un Les Bronzés en vacances alors ??
Faut faire gaffe au striptease intégral, quand même, hein ? Subtil ou pas, il pourrait faire fuir vos lecteurs/trices...
M'enfin, bibi est une coriace. Et elle en a vu d'autres.
Autrement, mauvaise graine d'écrivain, z'avez publié déjà ?
Et puis, je suis persuadée que vous devez savoir ce qu'on dit du poulet qui traverse la voie ferrée ??
Si ???
Ok, ok, je retourne à Muray.
Écrit par : sandgirl | 12/08/2009
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