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14/07/2010

Jouis, ô Mortel

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

Contrairement à ce que l’on a coutume de penser, un hédonisme authentique est une mesure de soi. Quel plaisir aurai-je à tirer d'une fuite constante dans la jouissance ? Satisfaire des désirs vains est un triste subterfuge qui nous détourne de nos imperfections que nous nous devrions plutôt de corriger. Il nous faudrait plutôt tendre vers un « souverain bien », comme le désignait Aristote et qu’il associait, mais avec mesure, au bonheur. Il faut, en toute chose, une juste mesure, un équilibre basé sur la Raison et le bon sens. Epicure : « Tout plaisir est, de par sa nature même, un bien, mais tout plaisir ne doit pas être recherché ; pareillement toute douleur est un mal, mais toute douleur ne doit pas être évitée à tout prix. »

Notre époque, bien au contraire, est plongée dans la jouissance frénétique et anxieuse, constante et dépravée, consumériste et matérialiste jusqu’à l’absurde. Or, le vrai plaisir n’est pas un poids, ni une culpabilité, ni une fuite de soi, bien au contraire, il est un signe de santé et ne nous aliène pas. Epicure l’avait bien compris lorsqu’il précisait : « Il n’y a rien à redouter dans le fait de vivre, pour qui a authentiquement compris qu’il n’y a rien à redouter dans le fait de ne pas vivre. » Cette dernière missive sonne singulièrement à mes oreilles dans cette période de deuil familial. Aussi je n’ai jamais fait miennes les mortifications puritaines auxquelles s’adonnent encore, par exemple, certains catholiques pour expier je ne sais quelle faute. Je n’ai trouvé nulle part dans la Bible une invitation à ce nihilisme. Il faudrait appeler à la rescousse Freud, Jüng et tutti quanti pour percer le mystère de ces positions de malades. Dieu merci, c’est le cas de le dire, de grands esprits ont indiqué des voies contraires.

 

Heinrich Suso, par exemple, disciple de Maître Eckart, au XIVe siècle, qui tirait de sa théologie des choses comme celles-ci : « Il n’est pas de plaisir qui ne soit en harmonie avec la part la plus profonde de notre nature divine. » Tout est une affaire de juste attention et de dosage adéquat. Pour être plus précis cependant, il faut savoir que Heinrich Suso s'adonnait, justement, aux mortifications. Je prends sa citation et lui laisse ses sanglantes pénitences. Quant à Spinoza dans son Ethique et bien qu’il fut panthéiste : « Tel est mon principe et telle est ma conviction. Aucune divinité, nul autre qu’un envieux ne se réjouit de mon impuissance et de ma peine, et nul autre ne tient pour vertu nos larmes, nos sanglots, notre peur, et toutes ces manifestations qui sont le signe d’une impuissance de l’âme ; bien au contraire, plus grande est la joie dont nous sommes affectés, plus grande est la perfection à laquelle nous passons, c’est-à-dire plus il est nécessaire que nous participions de la nature divine. Il appartient à l’homme sage d’user des choses, d’y prendre plaisir autant qu’il est possible (non certes jusqu’à la nausée, ce qui n’est plus prendre du plaisir). Il appartient à l’homme sage, dis-je d’utiliser pour la réparation de ses forces et pour sa récréation, des aliments et des boissons agréables en quantité mesurée, mais aussi les parfums, l’agrément des plantes vives, la parure, la musique, le sport, le théâtre et tous les biens de ce genre dont chacun peut user sans aucun dommage pour l’autre. »

Je comprends pourquoi Nietzsche l’appréciait tant.

 

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Commentaires

La vie nous envoi ce dont nous avons besoin... pour certains, c'est une longue complainte de mortifications et de problèmes, pour d'autres, une longue série de béatitudes et de plaisirs :)
Tous ces systèmes, ce sont nous qui les mettons en place... ils sont complexes et peuvent venir de très loin, comme par exemple, des loyautés familiales, voir même au niveau national, etc
Ensuite, et bien, le mieux c'est d'avoir le moins possible d'emmerdes ! même si parfois, si on est pas trop cons, ils peuvent nous servir à comprendre des choses...

Écrit par : Jean-Philippe Cocatrix | 14/07/2010

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