Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/10/2010

Le Canada se heurte aux limites de la discrimination positive

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

Via Le Temps...


Sara Landriault s'est vu refuser une place dans l'administration fédérale canadienne... car elle est blanche

Au Canada, où les « minorités visibles » constituent une part de plus en plus importante de la population, l’Etat impose des quotas de non-Blancs. Cette politique est de plus en plus critiquée. Fait historique au pays du multiculturalisme roi, le gouvernement ­conservateur veut remettre en cause la discrimination positive.

« J’approuve tout à fait l’objectif qui consiste à édifier une fonction publique représentative de la diversité du Canada. Mais nous devons veiller à ce que tous les Canadiens aient des chances égales de travailler pour leur gouvernement en fonction de leur mérite, peu importe leur race ou leur origine ethnique », a déclaré récemment le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, Jason Kenney. Lors de son discours, le ministre ne prenait pas la défense d’une travailleuse noire ou asiatique écartée d’un emploi dans l’administration en raison de la couleur de sa peau, mais d’une mère de famille blanche.


250 000 immigrants

Cet été, l’administration fédérale a refusé la candidature d’une Ontarienne, Sara Landriault, parce qu’elle était Blanche. « J’étais scandalisée. Parce que je suis Blanche, je ne peux pas soumettre ma candidature? » s’est insurgée Sara Landriault, avant d’ajouter, lors d’une entrevue à l’agence de presse QMI: « Un employeur soucieux de donner des chances égales à tout le monde ne doit pas empêcher un groupe ethnique de postuler. » Ironiquement, Sara Landriault a longtemps été présidente de la National Family Childcare Association, un organisme militant pour la défense des droits des femmes au foyer. Lors d’un témoignage devant un comité parlementaire en 2007, elle assurait: « Je suis mère au foyer et j’ai trois filles. Je le suis et je le resterai. »

Au pays du politiquement correct où jamais un mot ne dépasse l’autre et où l’on accueille bon an, mal an entre 220 000 et 250 000 immigrants, ce qui est devenu l’affaire Landriault n’aurait jamais dû avoir lieu. Il aurait été impensable il y a encore quelques années de voir une Blanche se plaindre d’être écartée d’un emploi au profit d’une personne de couleur.

Depuis 1976, la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne garantit le « droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge ». Il est interdit de mentionner sur un curriculum vitæ son âge ou sa situation matrimoniale et d’apposer une photographie. Le candidat n’indique que son nom. Mais la discrimination positive est appliquée depuis longtemps. Le gouvernement québécois a imposé des quotas annuels d’embauche de personnes issues des minorités visibles (ndlr: les personnes dont la couleur de peau n’est pas blanche. Les Amérindiens, qui ne sont pas considérés comme des minorités visibles, bénéficient aussi de la discrimination positive) dans les ministères et les organismes parapublics.

Dans les transports en commun montréalais, un quart des embauches d’agents et de chauffeurs doit provenir des minorités ethnoculturelles. Dans le privé, les mesures sont plus timorées et difficiles à évaluer, même si les entreprises de plus de 100 employés qui obtiennent un contrat gouvernemental ou qui reçoivent des subventions supérieures à 100 000 dollars canadiens (97 970 francs) doivent embaucher du personnel appartenant aux minorités visibles. Ces dernières constituaient 4,7% de la population du Canada en 1981, contre 18% aujourd’hui. D’ici 20 ans, ce nombre devrait être de 32 à 35% de la population.

L’affaire Sara Landriault a donc montré les limites d’une politique de discrimination positive qui vire parfois au ridicule. Les Chinois de Hongkong, immigrants beaucoup plus fortunés que les autres, bénéficient de cette discrimination positive. En Colombie-Britannique, les employeurs originaires de l’importante communauté chinoise, moteur économique de la région, demandent toujours aux candidats, non sans ironie, de parler cantonais ou mandarin.


Situation difficile à gérer

La discrimination positive demeure toutefois un sujet épineux. Une étude de la Chaire en études ethniques de l’Université Concordia de Montréal sur « la discrimination au Québec » souligne que: « Les gestionnaires de l’administration québécoise ont tendance à privilégier les candidats qui partagent les mêmes repères culturels et linguistiques qu’eux… et à favoriser les candidatures des Québécois de souche. » A l’inverse, un francophone qui posera sa candidature dans une province anglophone a de fortes chances d’être écarté. La toute dernière enquête de l’institut national Statistique Canada, issue du recensement de 2006, est étonnante. Alors que le taux de chômage chez les Québécois de souche a été cette année-là de 6,3%, il a été de 27,9% chez les immigrants maghrébins arrivés depuis moins de cinq ans dans la Belle Province. Les immigrants européens connaissent un taux de chômage de 13,4%. Il est d’environ 15% pour les Sud-Américains.

Au-delà des handicaps liés à la découverte d’un pays, le racisme est bien là. Dans l’entreprise, les nouveaux embauchés se font reprocher par leurs collègues d’avoir été choisis parce qu’ils faisaient partie d’une minorité visible. Si le ministre de l’Immigration a demandé un examen des dispositions de la loi sur l’emploi dans la fonction publique afin que tous les Canadiens puissent être embauchés dans l’administration, les résistances sont vives. Les organismes ethniques, les chefs amérindiens, les syndicats de la fonction publique s’opposent à toute modification de la loi. Michael Ignatieff, le chef du Parti libéral, le principal parti d’opposition, a dit au lendemain des propositions d’Ottawa: « Je crois que c’est un pas en arrière pour le gouvernement. Nous sommes contre… C’est un autre aspect de la politique réactionnaire du gouvernement conservateur. »

Ludovic Hirtzmann, Montréal

17:31 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les commentaires sont fermés.