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08/06/2011

Ce siècle en son entier est à penser "en tant que guerre"

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« L’onde de choc des régimes totalitaires se ressent durant tout le vingtième siècle et elle parvient jusqu’à nous, parce que ce siècle en son entier est à penser, comme l’écrit le philosophe tchèque Jan Patocka, "en tant que guerre". Même là où la paix semble instaurée et restaurée, là où il n’y a plus de fronts, la guerre, sous d’autres formes, continue, un peu à la manière dont, dans tel ou tel magasin en chantier, la vente continue. L’on peut évidemment objecter que les sociétés européennes n’ont jamais été aussi riches que depuis "l’après-guerre" qui a accompli une oeuvre sociale et éducative sans précédent, a entrepris l’émancipation des femmes d’Europe et a parachevé le triomphe de l’industrie. Ceci est exact. D’ailleurs, l’abondance des biens à consommer n’a jamais été aussi diversifiée ni aussi impressionnante, ce qui semble un signe de la paix. Pourtant ce signe, comme tous les signes, est équivoque. L’abondance des biens, tout d’abord, ne va pas nécessairement de pair avec l’absence d’anonymat. Le besoin de manifester hors de soi, quelque chose de soi est le gage très profond de l’aptitude de l’homme à réussir d’ordinaire à faire du monde ambiant, son monde. Habiter dépend de cette possibilité. Or, l’offre de produits que la civilisation industrielle fournit, prive bien souvent de la présence de vraies choses. Les objets, les artefacts industriels qui nous entourent ou plutôt nous circonviennent, ne nous laissent pas le temps de nous apprivoiser à eux, à peine en sommes-nous les usagers confiants que, les voilà périmés et dépassés, supplantés par une jolie cohorte de brillantes nouveautés qui nous soufflent à l’oreille que ce qui nous était pourtant si commode, ne vaut plus rien, n’est rien. Parfois le visage de la pacotille est réjouissant, il suffit que nous retrouvions notre regard d’enfant mais nous n’ignorons pas pour autant qu’elle fera bientôt partie des jouets cassés. »

Ingrid Auriol, Est-il encore aujourd'hui possible d'habiter ici ?



Ingrid Auriol

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