26/07/2011
Plus la télévision est absurde, mieux elle remplit son office
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« L'actualité détermine ce qui est actuel. N'est-ce pas là une évidence ? Seulement l'actualité ne détermine pas ce qui est actuel d'une manière tout immédiate, comme on feint de le croire. Ce qui est actuel, n'est-ce pas ce qui est là tout simplement, maintenant, objectivement ? Ce qui est là maintenant, en cet instant qui retentit en même temps dans le monde entier, c'est justement ce monde tout entier, la totalité des événements, des personnes et des choses. Il faut donc choisir. Qu'est-ce qui dirige ce choix ? Sur le tout de la réalité les médias jettent une grille: le hold-up de la matinée, les courses à Vincennes et le rapport du tiercé, la petite phrase de quelque histrion de la politique en tournée, la hausse du dollar et du pétrole (ou leur baisse), la baisse de l'or (ou sa hausse), l'interview de la concierge de l'immeuble le plus proche de l'endroit où le viol de la fillette est supposé avoir eu lieu, l'arrivée de la traversée de l'Atlantique à la voile, ou l'étape du Tour, la littérature enfin au moment de la remise des prix, quand elle ressemble elle-même à une course, avec favoris, outsiders, etc. Pris dans le film de leur succession ou de leur juxtaposition sur la page d'un journal, ces événements présentent un caractère commun: l'incohérence. Considéré isolément, chacun d'eux se résume à un incident ponctuel. Ni les tenants ni les aboutissants ne sont donnés avec lui. Tirer le fil de sa causalité, de sa finalité, de sa signification, de sa valeur, ce serait penser, comprendre, imaginer, rendre la vie à elle-même quand il s'agit de l'éliminer. Rien n'entre dans l'actualité que sous cette double condition de l'incohérence et de la superficialité, de telle manière que l'actuel est l'insignifiant.
Ce qui par cette insignifiance entre dans l'actualité a fait voeu par là même d'en sortir, n'étant posé que pour être supprimé. On déplore aujourd'hui que les diverses productions de la télévision -reportages, films, dramatiques - soient interrompues par des spots publicitaires qui invitent le spectateur à passer sans cesse d'un programme à un autre, aussi inconsistant que celui qu'il vient de quitter. Comment ne pas voir cependant qu'avec ce sautillement perpétuel d'image en image à travers leurs séries inconséquentes les médias réalisent leur essence ? L'actuel n'est pas seulement l'incohérent et l'insignifiant, il doit l'être. Plus la télévision est absurde, mieux elle remplit son office. »
Michel Henry, La Barbarie
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Vous êtes rigolo avec vos citations sérieuses suivies de femmes à poil ou presque.
La blonde qui lit Platon avec les seins qui pointent, c'est votre copine ?
Écrit par : Dominique | 26/07/2011
Non, je ne connais pas cette charmante intellectuelle... ^^ ... mais c'est avec plaisir que j'évoquerais "La République" avec elle si l'occasion se présentait. ^^
Écrit par : Nebo | 26/07/2011
Les commentaires sont fermés.