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13/09/2011

Tout cela devient si laid : plus de fanfares, plus d’étendards, plus de Te Deum

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« C’est exact. J’ai toujours mené une vie paisible d’un professeur de lettres qui aimait son métier. Aucune guerre n’a eu besoin de mes services et les tueries d’apparence inutile m’affligent physiquement. J’aurais probablement fait un bien mauvais soldat. Toutefois, avec Actius, je crois que j’aurais joyeusement tué du Hun. Et avec Charles Martel, lardant de la chair arabe, cela m’aurait rendu fort enthousiaste, tout autant qu’avec Godefroi de Bouillon et Baudoin le lépreux. Sous les murs de Byzance, mort aux côtés de Constantin Dragasès, par Dieu ! que de Turcs j’aurais massacrés avant d’y passer à mon tour ! Heureusement que les hommes qui ignorent le doute ne meurent pas si facilement ! Aussitôt ressuscité, me voilà taillant du Savlon en compagnie des Teutoniques. Je porte la croix sur mon manteau blanc et je quitte Rhodes l’épée sanglante au poing, avec la petite troupe exemplaire de Villiers de L’Isle-Adman. Marin de don Juan d’Autriche, je me venge à Lépante. Belle boucherie ! Puis l’on cesse de m’employer. Seulement quelques broutilles qui commencent à être mal jugées, de l’histoire contemporaine, une triste plaisanterie, je ne m’en souviens déjà plus très bien. Tout cela devient si laid : plus de fanfares, plus d’étendards, plus de Te Deum. Pardonnez la pédanterie d’un vieil universitaire radoteur. Evidemment je n’ai tué personne, mais toutes ces batailles dont je me sens solidaire jusqu’au plus profond de mon âme, je les revis toutes en même temps, j’en suis l’unique acteur, avec un seul coup de feu. Voilà ! »

Jean Raspail, Le Camp des Saints

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