29/11/2011
Les hommes étaient partout les mêmes et il les plaignait
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« Pendant les années qu’il avait passées dans les campas, Ivan Grigoriévitch avait appris à connaître les faiblesses humaines. Maintenant, il voyait qu’elles étaient fort nombreuses des deux côtés des barbelés. Les souffrances ne faisaient pas que purifier. La lutte pour obtenir une gorgée supplémentaire de soupe ou pour se faire exempter d’une corvée était féroce et les faibles s’abaissaient à un niveau pitoyable. Maintenant qu’il était en liberté, Ivan Grogorévitch cherchait à deviner comment tel ou tel personnage hautain et fort soigné dans sa mise raclerait de sa cuiller les écuelles vides des autres ou trotterait autour des cuisines à la recherche d’épluchures et de feuilles de chou pourries, à la façon d’un chacal...
Foulés, écrasés par la violence, la sous-alimentation, le froid, la privation de tabac, les hommes métamorphosés en chacals des camps, cherchant de leurs yeux hagards des miettes de pain et des mégots couverts de bave, éveillaient en lui la pitié.
Les hommes des camps l’aidaient à comprendre les hommes en liberté. Il discernait chez les uns et chez les autres une même faiblesse, une même cruauté et une même peur.
Les hommes étaient partout les mêmes et il les plaignait. »
Vassili Grossman, Tout passe
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