03/01/2012
Nous ne renoncerons pas à Jésus-Christ, mais nous ne renoncerons pas davantage à Epicure et à Pyrrhon. Que les barbus se mettent bien ça dans le ciboulot.
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« Les idéologues musulmans puisent leur énergie missionnaire dans cette conviction que l’Europe déchristianisée, ignorante de sa propre tradition religieuse, est un fruit blet prêt à tomber dans le vert tablier de Mahomet. L’effacement de la foi chrétienne laisse un vide et il est naturel que les plus excités d’entre les islamistes soient persuadés que ce vide, ils n’auront aucune difficulté à le combler. L’ancien chancelier allemand Helmut Kohl a, lors d’un récent séjour à Rome, déclaré que s’il avait été un des auteurs de la Constitution européenne il se serait battu pour qu’y figurât une explicite référence à nos racines chrétiennes. Et il a ajouté : "Au lieu de céder au laïcisme à la française, nous devons le combattre."
C’est vrai, il y a des Français ringards qui s’imaginent qu’il suffit de tonner contre le Vatican pour acquérir un brevet d’esprit libre. Il y a une France jacobine pour qui l’histoire de notre pays commence en 1789 et qui nous casse les pieds avec les "valeurs républicaines" dont elle a en permanence la bouche pleine. Cette France sectaire et vieillotte nous ennuie.
Il convient toutefois ne pas tomber dans un excès opposé. Certes, le christianisme aura été, de Madrid à Moscou, de Stockholm à Palerme, un des creusets où s’est formé le génie européen, et pour s’en convaincre il suffit de visiter à Amsterdam l’exposition qui réunit présentement Rembrandt et le Caravage. Il n’est cependant pas le seul, et le paganisme gréco-romain en est un autre. Les Psaumes et le Sermon sur la Montagne sont pour nous, depuis plus de deux mille ans, une inépuisable source d’élévation spirituelle, mais le Contre les moralistes de Sextus Empiricus et les Lettres à Lucilius de Sénèque ne le sont pas moins. On m’affirme que dans l’Iran d’aujourd’hui la lecture de poètes tels que Saadi, Omar Khayyam, Abou Nawas, qui chantent le vin, l’amour, les jeunes personnes, le scepticisme, le dolce farniente, est proscrite. Si c’est vrai, je le déplore pour les Iraniens, mais nous, en Europe, personne ne nous empêchera de continuer à lire Théocrite et Horace qui font partie de notre héritage, de notre univers esthétique et moral au même titre que Dante et Bossuet. Nous ne renoncerons pas à Jésus-Christ, mais nous ne renoncerons pas davantage à Epicure et à Pyrrhon. Que les barbus se mettent bien ça dans le ciboulot. »
Gabriel Matzneff, Sextus Empiricus contre les barbus (Chronique du 21/03/2006 )
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