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08/04/2012

Certains théologiens affirment que, sans avoir la foi, on peut être croyant "par le désir"

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Pierre Gripari était l’un des rares hommes (ils doivent se compter sur les doigts d’une main) que je tutoyais, et je lui disais souvent : "Pierre - ou Pierrot, Pétroucha, Pétrouchka... -, tu n’as aucun talent, mais tu as du génie." Je le croyais. Je le crois toujours. Cela ne lui déplaisait pas.

Pierre avait été stalinien - ce qui est tout de même mieux que communiste - avant de devenir ce qu’on appelle "fasciste". Dieu vomit les tièdes.

Pierre lisait le slavon dans le texte et il adorait les contrepèteries. Le premier talent ne lui était guère utile dans le monde (sauf chez moi), le second me créait quelques difficultés avec ma mère. Heureusement, elle n’en comprenait pas la plupart. Un jour, se frottant littéralement les mains de satisfaction, il me dit (il devait avoir la cinquantaine) : "J’ai changé d’adresse. Je ne suis plus dans une pension de famille. Pour la première fois de ma vie, je suis dans mes meubles." Or, pour tout meuble, il n’avait qu’un lit et quelques cartons soigneusement étiquetés: "chaussettes", "chandails", "caleçons". Plus tard, il eut deux tabourets et une chaise. La chaise était toujours "pour les dames".

C’est que Pierre vivait sa vocation d’écrivain dans un désintéressement total, sans la moindre compromission. Pour subsister, il écrivait des adresses sur des enveloppes, après avoir tenu la caisse du Grand Guignol.

Certains théologiens affirment que, sans avoir la foi, on peut être croyant "par le désir". Pierre n’était pas croyant "par le désir". Le blasphème sans cesse à la bouche et au bout de la plume, obsédé par les thèmes juifs et les thèmes chrétiens qu’il rejetait avec la même frénésie, théophobe plutôt qu’athée, il était, me semble-t-il, croyant "par la haine".

Et, ajoutée à sa passion non seulement de rendre toujours service, mais aussi, simplement, de faire constamment plaisir à autrui, cette haine-là devait, aux yeux de Dieu, valoir mille fois plus que la petite foi tremblotante qui anime la plupart de nous autres, soi-disant chrétiens. »

Vladimir Volkoff, La Garde des Ombres

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