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01/05/2012

Le despotisme dévore en cent ans au plus non pas cent mais cinq cents millions de têtes

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Monsieur Chigalev se consacre trop sérieusement à sa tâche et de plus il est trop modeste. Je connais son livre. Il propose, à titre de solution définitive du problème, le partage de l’humanité en deux parties inégales. Un dixième obtient la liberté individuelle et des droits illimités sur les neuf autres dixièmes. Ceux-ci doivent perdre leur individualité et devenir une sorte de troupeau et, par une obéissance absolue, parvenir au moyen d’une série de transformations, à l’innocence primitive, quelque chose comme le paradis primitif, quoiqu’ils doivent cependant travailler. Les mesures que préconise l’auteur pour enlever la volonté aux neuf dixièmes de l’humanité et pour les transformer en troupeau, au moyen de la rééducation de générations entières, sont très remarquables, fondées sur des données naturelles et fort logiques.


(…)


On nous propose, au moyen de différentes feuilles clandestines de fabrication étrangère, de nous unir et de créer des groupes dans l’unique dessein de destruction universelle, sous prétexte que, quoi qu’on fasse pour soigner le monde, on ne le guérira jamais, tandis qu’en coupant radicalement cent millions de têtes et en nous allégeant ainsi nous-mêmes, on pourrait plus sûrement sauter le fossé.


(…)


… je vous demande ce que vous aimez mieux : la manière lente qui consiste à écrire des romans sociaux et à régler de façon académique sur le papier les destinées humaines pour les mille ans à venir, tandis que le despotisme avalera les morceaux rôtis qui vous tombent d’eux-mêmes dans la bouche et que vous laissez échapper, ou préférez-vous une solution rapide, quelle qu’elle soit, mais qui déliera enfin les mains et permettra à l’humanité tout à son aise de s’organiser socialement elle-même, et cette fois en fait et non sur le papier ? On crie : "cent millions de têtes" ; ce n’est peut-être qu’une métaphore, mais pourquoi en avoir peur si, avec les lentes rêveries sur le papier, le despotisme dévore en cent ans au plus non pas cent mais cinq cents millions de têtes ? »

Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski , Les Possédés

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