20/10/2012
L'engagement n'a pas d'autre motif que la trouille de se retrouver seul avec soi-même
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« C'est parce que je n'ai pas la crainte de la solitude, même si elle m'est parfois à charge, que je n'éprouve pas le besoin d'imiter mes camarades de fac qui militent dans des mouvements : l'engagement, qu'il soit chrétien et marxiste, n'a souvent pas d'autre motif que la trouille de se retrouver seul, en tête à tête avec soi-même. Le groupe, ça distrait et ça tient chaud. »
Gabriel Matzneff, Cette camisole de flammes, journal 1953-1962
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Commentaires
"Pas d'autre motif que la trouille de se retrouver seul, en tête à tête avec soi-même"... ? On se "tient chaud", et toussa ? Assurément : d'ailleurs on n'a pas attendu Matzneff pour le savoir, tellement c'est vieux comme le monde. (Mais allez : on ne lui en voudra pas une seconde de nous le rappeler !)
Ce qui rebondit plus que jamais de nos jours avec les moyens techniques dont nous disposons. On serait mal venus de critiquer le net (!) : il n'empêche que pas mal de réseaux dits sociaux entrent de toute évidence de plain-pied dans ce propos. Jusque à l'extérieur de chez soi, le but du "jeu" n'est-il pas, à présent, de faire gaffe à ne pas se faire bousculer par un piéton... qui, au lieu de regarder où il va, est gentiment en train de tapoter sur l'une de ces merveilleuses petites machines toutes plates que je ne ferai l'injure à personne d'identifier plus avant ? Bref, autant de béquilles électroniques propres à vous étourdir de la "crainte de la solitude" !...
De même qu'il n'est pas un grand mystère que l'esprit se voulant libre est plutôt allergique au grégaire : ça vous condamne à une certaine solitude en deux coups de cuiller à pot. Il semble qu'à toute époque, les intellos qui ont le plus marqué leur temps se soient traînés, peu ou prou, une sacrée réputation d'êtres "asociaux".
Je relèverai cependant ce bout de phrase, là-haut : "l'engagement, qu'il soit chrétien et marxiste, n'a souvent pas d'autre motif que la trouille de se retrouver seul..."
Alors, que cette éventuelle trouille rencontre quelque écho dans le cadre de l'engagement marxiste, pas de quoi tomber des nues : les chiens ne font pas des chats.
Dans le cadre de l'engagement chrétien, en revanche, voilà qui vaut son pesant de cacahuètes ! En effet, si on creuse un peu la question, il y a tout de même un truc qui, effectivement, échappe à l'entendement marxiste... mais échappe moins à l'autre entendement (ou devrait moins lui échapper) : et si, au-delà de "la trouille de se retrouver seul", ne s'en tapissait pas une autre, plus intime et plus profonde ? Celle de se retrouver avec... Quelqu'Un ?
La question est ouverte pour tout le monde !
Écrit par : Michel | 21/10/2012
C'est très bien vu, Michel... seulement je pense que Matzneff avait saisi déjà ce qui se tramait il y a une cinquantaine d'années dans tout type d'engagement, fut-il marxiste ou chrétien, et qui tend plus vers le grégaire que vers l'engagement de coeur dans, je dirais, une voie, qui soit digne d'être appelée ainsi. Et ça n'est pas pour rien que la même période correspond aussi à l'émergence de tout ce courant de gens qui sont allés chercher ailleurs (Yoga, Zen, Soufisme et autres méditations bouddhiques) ce qu'ils avaient sous le nez mais recouvert par une épaisse couche de crasse moderne. Enfin, je dis ça avec mes petits moyens.
Le Christianisme gagnerait à retrouver le souffle du Mystère de l'Incarnation, de ses écrivains mystiques ou de ses Saints hallucinés. Il préfère, ces derniers temps, apparaître comme une officine sociale (limite socialiste parfois) ce qui, spirituellement, est bien creux et vide.
Et quand je dis "Christianisme", je pense, en fait, Catholicisme de l'Ouest, car pour ce qui est des Orthodoxes, le mystère et son appel sont encore bien implantés dans les coeurs et les âmes. Et les Catholiques de la Mittel Europa sont encore attachés (pour combien de temps ?) à un Catholicisme de Résistance et d'enracinement.
Écrit par : Nebo | 21/10/2012
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