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02/03/2013

Il restait vers la fin du jour une cendre de temps subtile

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Il y avait là-haut, dans une rue point très secrète, mais dans tel pli secret de la rue, un tout petit café... Je le vois. - Au fond de ce café, en contrebas, commençait une seconde pièce, étroite semblait-il, et prenant jour sur le café, de la place où j’étais, on ne la voyait pas tout entière ; elle continuait en retrait. Parfois un Arabe y descendait, qui venait tout droit de la rue et que je ne voyais plus reparaître. Je suppose qu’au fond du réduit un escalier secret menait vers d’autres profondeurs...
Chaque jour j’attendais, espérant en voir davantage. Je retournais là tous les jours. J’y retournai le soir ; j’y retournai la nuit. Je m’étendais à demi sur la natte.
J’attendais et suivais, sans bouger, la lente désagrégation des heures ; il restait vers la fin du jour une cendre de temps subtile, amère au goût, douce au toucher, assez semblable comme aspect à la cendre de ce foyer, entre les colonnettes, là, près du sous-sol mystérieux ; à gauche - où parfois, écartant la cendre, le cafetier ranime un charbon mal éteint, sous l’amoncellement de la cendre...
Parfois, s’accompagnant sur la guembra, un des Arabes chante un chant lent comme l’heure. La pipe de haschisch circule. Je regarde obstinément, malgré moi, l’ombre close là-bas, la natte du mur du retrait où j’ai vu ce suspect descendre...
Trois mois après, la police avait fait fermer le café. »

André Gide, Amyntas

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