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18/04/2013

Quand je levais la tête vers le Pavillon d'Or, ce n'est pas seulement par les yeux qu'il pénétrait en moi, mais aussi, semblait-il, par le crâne

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Je peux, sans exagération, affirmer que le premier problème auquel, dans ma vie, je me sois heurté, est celui de la Beauté. Mon père n’était qu’un simple prêtre de campagne, au vocabulaire pauvre ; il m’avait seulement dit "que nulle chose au monde n’égalait en beauté le Pavillon d’Or". La pensée que la beauté pût déjà exister quelque part à mon insu me causait invinciblement un sentiment de malaise et d’irritation ; car si effectivement elle existait en ce monde, c’était moi qui, par son existence même, m’en trouvais exclu. […]

Le Pavillon d'Or, que je revoyais après plusieurs mois, reposait sereinement dans la lumière de l'été finissant. J'avais le crâne tout frais rasé de mon entrée en sacerdoce et j'éprouvais la sensation que l'air collait étroitement à ma tête - la périlleuse sensation que toutes les idées nichées dans ma cervelle entraient en contact avec les phénomènes extérieurs par cette seule et mince épaisseur de peau, hypersensible et si vulnérable !

Quand je levais la tête vers le Pavillon d'Or, ce n'est pas seulement par les yeux qu'il pénétrait en moi, mais aussi, semblait-il, par le crâne. De la même façon qu'en plein soleil ce crâne devenait brûlant, ou était instantanément rafraîchi par la brise du soir.
Pavillon d'Or ! Je suis enfin venu près de toi ! murmurais-je en moi-même, m'interrompant de balayer l'allée. Je ne dis pas tout de suite, mais un jour, fais-moi un signe d'amitié, je t'en prie ; révèle-moi ton secret. Ta beauté, il ne tient qu'à un seul fil qu'elle ne m'apparaisse, je le sens, et pourtant elle m'échappe encore.

Plus que celui dont je garde en moi l'image, c'est le vrai Pavillon d'Or que je te prie de me laisser découvrir dans toute sa beauté. S'il est vrai que sur terre rien ne peut t'être comparé, dis-moi pourquoi tu es si beau, pourquoi tu ne peux faire autrement que de l'être. »

Yukio Mishima, Le Pavillon d’Or

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