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28/10/2013

La compassion est devenue le visage humain du mépris

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« (…) De nos jours, la croyance est largement répandue, du moins chez les membres de la classe charitable [éprise de l’idéologie de la compassion] que les normes sont, par essence, oppressive, que, bien loin d’être impersonnelles, elles exercent une discrimination contre les femmes, les Noirs et les minorités en général. On nous dit que les normes reflètent l’hégémonie culturelle des DWEM (dead white european males/ hommes européens blancs et morts). La compassion nous oblige à reconnaître l’injustice qu’il y a à les imposer à tous les autres.

Quand l’idéologie de la compassion mène à ce type d’absurdité, il est temps de la remettre en cause. La compassion est devenue le visage humain du mépris. Autrefois la démocratie sous-entendait l’opposition à toutes formes de normes inégales. Aujourd’hui nous acceptons les normes inégales – comme toujours elles anticipent la citoyenneté à deux vitesses – au nom du souci humanitaire. Comme nous avons renoncé à l’effort d’élever le niveau général de compétence, – ce qui était la signification ancienne de la démocratie – nous nous satisfaisons de l’institutionnalisation de la compétence dans la classe charitable, qui s’arroge la tâche de s’occuper de tous les autres.

Dans l’idée que je m’en fais, le populisme souscrit sans équivoque au principe du respect. C’est entre autres pour cette raison que l’on doit préférer le populisme au communautarisme, trop prompt au compromis avec l’Etat providence et à adhérer à son idéologie de la compassion. Le populisme a toujours rejeté une politique fondée sur la déférence aussi bien que sur la pitié. Il est attaché à des manières simples et à un discours simple et direct. Les titres et autres symboles d’un rang social éminent de l’impressionnent pas, pas plus que les revendications de supériorité morale formulées au nom des opprimés. Il rejette une "option préférentielle pour les pauvres" si cela signifie traiter les pauvres comme les victimes impuissantes des circonstances, les exempter de toute possibilité d’être tenus pour responsables, ou bien excuser leur faiblesse au motif que la pauvreté porte avec elle une présomption d’innocence. Le populisme est la voix authentique de la démocratie. Il postule que les individus ont droit au respect tant qu’ils ne s’en montrent pas indignes, mais ils doivent assumer la responsabilité d’eux-mêmes et de leurs actes. Il est réticent à faire des exceptions ou à suspendre son jugement au motif que "c’est la faute à la société". Le populisme est enclin aux jugements moraux, ce qui, de nos jours, semble en soi péjoratif, marque suffisante de l’affaiblissement de notre capacité à juger de manière discriminante par le climat moral de "souci" humanitaire. »

Christopher Lasch, La révolte des élites

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