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02/11/2013

Seul le démon lui reste fidèle

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« La plupart de ceux qui le rencontraient ne le remarquaient pas ou l’évitaient avec une gêne mêlée d’effroi. Ceux qui le connaissaient l’aimaient, et ils l’aimaient avec passion : mais une secrète angoisse les faisait frissonner, eux aussi, en sa présence et leur paralysait le coeur et la main. Quand cet être fermé s’ouvrait à quelqu’un, il laissait voir toute sa profondeur ; mais on s’apercevait aussitôt que cette profondeur était un abîme. Personne n’est heureux à ses côtés, et cependant il exerce sur ses proches un attrait magique. Aucun de ceux qui l’ont connu ne le délaisse complètement, et pourtant personne ne peut rester longtemps près de lui : impossible de supporter son atmosphère écrasante, la chaleur de ses passions, ses exigences exagérées (il demande presque à tous de mourir avec lui !). On veut aller vers lui, mais on appréhende son démon ; on se rend compte qu’il n’est qu’à deux doigts de la mort. Un soir, à Paris, que Pfühl ne le trouve pas chez lui, il se précipite à la Morgue. Marie von Kleist n’ayant pas de ses nouvelles depuis une semaine lance son fils à sa poursuite pour qu’il empêche un malheur. Ceux qui ne le connaissent pas le croient froid et indifférent ; ceux qui le connaissent tressaillent de frayeur devant le feu sombre qui le dévore. Ainsi, personne ne peut vivre à son contact et le soutenir ; pour les uns il est trop froid, pour les autres trop ardent. Seul le démon lui reste fidèle. »

Stefan Zweig, Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche


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