06/01/2013
Dans la solitude artificielle des chambres
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« Il faut ici se présenter la disposition intérieure de beaucoup d’hommes modernes en face de l’amour, j’entends ceux qui lui sont liés par un mélange de besoins du coeur et du corps dont la proportion varie selon chacun d’eux. Tout les détourne de croire en lui, sans les empêcher d’en dépendre : à une connaissance explicite des défauts des femmes s’ajoute le sentiment sourd de leur propre sécheresse et de leur égoïsme secret, tandis que quelques bons vers restés dans leur mémoire avec bien plus de mauvais, et jusqu’aux clameurs des chanteurs dans les opéras, les persuadent de garder encore quelque crédulité pour ce Dieu en qui ils ont cessé d’avoir foi. Le plaisir de rester sensible s’oppose au point d’honneur de n’être plus dupe, et le souvenir des romans qui passent pour cruels, en n’étant que grossiers, est balancé en eux par celui des romances qui sont niaises et passent pour tendres. Le dégoût même n’empêche pas le besoin, mais ce besoin change de nature ; quand nous n’espérons plus dans l’amour pour nous rendre heureux, nous comptons sur lui pour tricher avec le bonheur. Quand nous cessons de croire qu’il puisse remplir notre vie, nous ne lui réclamons que plus âprement des jouissances qui l’interrompent ; s’il n’est plus l’élixir de l’âme, il devient la drogue du corps ; si nous renonçons à atteindre par lui des moments plus clairs, nous lui demandons avidement de plus sombres ; des deux appels qu’il adresse aux hommes, l’un de vie et l’autre de mort, nous n’entendons plus que le dernier. Ainsi, au terme d’une évolution immense, dans cette sauvagerie illuminée des grandes villes qui ne reproduit que trop bien la sauvagerie obscure des forêts, ce que l’individu consumé demande à l’amour répond étrangement à ce qu’en a reçu l’homme primitif ; comme celui-ci ne connaissait l’amour que par un instant de jouissance gloutonnement saisi, au fond d’un bois ou d’une caverne, celui-là n’en attend qu’un moment aussi, mais savamment étiré dans la solitude artificielle des chambres. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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05/01/2013
On est injuste pour les femmes gaies...
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« On est injuste pour les femmes gaies. Tandis que la moindre boudeuse se fait la réputation d'avoir une âme, par son air de tout attendre sans être capable de rien donner, on ne loue pas assez celles qui gardent la force qu'il faut pour ouvrir dans nos jours des commencements et qui ont eu le courage d'écarter leurs propres ennuis, avant d'avoir l'art de chasser les nôtres. Elles nous rendent la netteté du présent. Elles nous donnent des instants intacts. Voilà le grand point. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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04/01/2013
Rien n'est si ridicule que d'exercer sur autrui une critique qu'on ne ramène sur soi
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« Rien n'est si ridicule que d'exercer sans cesse sur autrui une critique qu'on ne ramène jamais sur soi. Les gens médiocres trouvent dans leurs amours l'occasion d'affiner leur perspicacité d'une manière incroyable : ils font sur le caractère et la nature de leur adversaire les remarques les plus subtiles et les plus malignes, mais ces instruments si aigus, qui leur servent à le percer, ils ne les retournent jamais contre eux-mêmes, pour s'en faire la moindre piqûre. Un homme d'une certaine qualité agit inversement. Il n'adresse de reproches qu'à soi, puisqu'il est en effet la seule personne au monde qu'il ait quelque pouvoir de changer, et se critiquant selon ce qu'il peut devenir, il se borne à connaître les autres pour ce qu'ils sont. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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03/01/2013
L'amour excite un désir de s'avilir qui n'est pas moins puissant
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« L'amour éclate au croisement de l'inexprimable et de l'inavouable ; avec un désir de s'ennoblir qu'on a souvent célébré, il excite un désir de s'avilir qui n'est pas moins puissant, et qui peut l'être surtout sur les natures qui ne sont pas viles, parce que c'est à elle qu'il promet le changement le plus grand : c'est par là que s'expliquent les amours de certains hommes d'élite, qu'on s'étonne de trouver si inférieures à ce qu'ils sont, mais où ils cherchent à se soulager d'une vie trop tendue et trop difficile, ou celles de certaines femmes délicates qu'on avait incomplètement connues, parce qu'on avait cru saisir toute leur nature dans les qualités qui en marquaient seulement le faîte. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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02/01/2013
La beauté seule peut être modeste sur son lit de roses
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« On doit particulièrement apprécier l'amour d'une femme laide ; car, forcée de se signaler en quelque chose, comme cela ne peut pas être par les attraits du corps, elle est dans la nécessité de valoir par l'âme. De là ces mots sans naturel, ces silences sans limpidité, ces sourires tordus et forcés par trop d'intentions, ces regards abondamment déversés pour voiler les imperfections du physique. Il est difficile aux femmes laides d'être simples dans leurs amours ; elles tendent à exciter en inquiétude ce qu'elles ne peuvent procurer en volupté, et à mettre leurs amants dans une impatience où les pauvres jouissances qu'elles leurs donnent soient transfigurés par le sublime plus ou moins réel que l'âme y dépense ; il faut qu'elles couvrent une infériorité trop certaine d'une supériorité très douteuse. La beauté seule peut être modeste sur son lit de roses. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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01/01/2013
Il faut les connaître pour ce qu'elles sont et leur parler selon ce qu'elles croient être
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« Il en est plus particulièrement des femmes comme de tous les êtres humains: il faut les connaître pour ce qu'elles sont et leur parler selon ce qu'elles croient être ; nous n'agissons jamais mieux sur leur vraie nature que lorsque nous l'atteignons selon la fausse idée qu'elles s'en font, au lieu que nous les aurions rejetées loin de nous, pour jamais peut-être, en leur parlant directement selon ce qu'elle est. Les femmes prétendent avant tout qu'on les prenne au sérieux. Celles qui nagent dans le flot des heures, aussi changeantes que lui, veulent se donner la gloire de répondre d'elles dans l'avenir le plus éloigné. Il faut traiter la grande enfant en grande personne; il faut dire à la soeur des nuages qu'elle est la soeur des statues, il faut couvrir l'indulgence même que nous lui portons d'une précieuse exigence. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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31/12/2012
La médiocrité des hommes est de se croire plus dignes de succès qu'ils n'en ont eu, celle des femmes est de se croire dignes de plus de bonheur
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« Si tant de femmes paraissent capables de devenir autre chose que ce qu'elles sont, cela ne tient pas à ce qu'il y a de riche, mais à ce qu'il y a de vague dans leur nature. Notre espérance collabore avec leur inanité. Nous plaçons le rêve qui est en nous dans le vide qui est en elles. Elles viennent à notre rencontre parées d'un prestige qu'elles perdent une fois arrivées, et quand la petite Iris s'est rendue à nous, nous ne retrouvons plus son écharpe parmi les vêtements qu'elle a quittés. A quoi il faut ajouter que beaucoup d'entre elles aspirent à un sort plus délicat moins par un besoin de leur nature que par une prétention de leur vanité. Comme la médiocrité des hommes est de se croire plus dignes de succès qu'ils n'en ont eu, celle des femmes est de se croire dignes de plus de bonheur, ceux-là mettant leur ambition dans leur carrière, comme celles-ci dans leurs amours. »
Abel Bonnard, L'amour et l'amitié
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