Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/01/2014

Le gaucho-humanitarisme, comme tou­jours, pas plus qu’il n’attaque vrai­ment ce qu’il pré­tend atta­quer, ne défend vrai­ment ce qu’il pré­tend défendre

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Un soci­o­logue soucieux d’intégration et d’éducation human­i­taire plaidera habituelle­ment les cir­con­stances atténu­antes : certes ces jeunes brutes sont peu ragoû­tantes, mais la pro­pa­gande "sécu­ri­taire" exagère beau­coup, et puis, de toute façon, quelle chance leur a-t-on donné d’être de braves garçons, tra­vailleurs et bien éduqués ? Le gaucho-humanitarisme, comme tou­jours, pas plus qu’il n’attaque vrai­ment ce qu’il pré­tend atta­quer, ne défend vrai­ment ce qu’il pré­tend défendre. Si l’on veut dire que les vio­lences exer­cées par les jeunes déshérités ne doivent pas faire oublier les vio­lences qu’ils ont subies, il ne faut pas dénon­cer seule­ment la vio­lence poli­cière, la "répres­sion", mais tous les mau­vais traite­ments que la dom­i­na­tion tech­nique inflige à la nature des hommes. Il faut donc cesser de croire qu’existerait encore quelque chose comme une société civil­isée, à la quelle on n’aurait pas donné à ces jeunes bar­bares la chance de s’intégrer. Il faut donc voir en quoi les déshérités le sont effec­tive­ment, et plus cru­elle­ment que ceux du passé, en étant expro­priés de la rai­son, enfer­més dans leur novlangue au moins autant que dans leur ghet­tos, et ne pou­vant même plus fonder leur droit à hériter du monde sur leur capac­ité à le reconstruire.
Et donc, enfin, plutôt que de verser des larmes de croc­o­diles sur les "exclus" et autres "inutiles au monde", il con­viendrait d’examiner sérieuse­ment en quoi le monde du salariat et de la marchan­dise est utile à quiconque n’en tire pas de prof­its, et si l’on peut s’y inclure sans renier son human­ité. Tout cela fait évidem­ment beau­coup pour des soci­o­logues, aussi gauchistes soient-ils : ces gens ont après tout pour fonc­tion, non de cri­ti­quer la société, mais de fournir des argu­ments et des jus­ti­fi­ca­tions au pléthorique per­son­nel d’encadrement de la mis­ère, à ceux que l’on appelle les "tra­vailleurs soci­aux". Il est donc logique que leurs efforts por­tent surtout sur la sat­is­fac­tion de sup­posées reven­di­ca­tions "iden­ti­taires", aux­quelles ils offrent de choisir un rôle au décrochez-moi-ça des appar­te­nances mimé­tiques, friperie de l’illusion où l’on trouve de tout, de la cas­quette de rappeur mar­quée du X de Mal­colm X à la gan­doura islamiste. »

Jaime Sem­prun, L’abîme se repe­u­ple

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les commentaires sont fermés.