15/01/2014
Il faut évidemment se demander tout d'abord ce que c'est que le citoyen...
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« Il faut évidemment se demander tout d'abord ce que c'est que le citoyen, puisque les citoyens, en certain nombre, sont les éléments mêmes de l'État. Ainsi, recherchons en premier lieu à qui appartient le nom de citoyen et ce qu'il veut dire, question souvent controversée et sur laquelle les avis sont loin d'être unanimes, tel étant citoyen pour la démocratie, qui cesse souvent de l'être pour un État oligarchique. Nous écarterons de la discussion les citoyens qui ne le sont qu'en vertu d'un titre accidentel, comme ceux qu'on fait par un décret. On n'est pas citoyen par le fait seul du domicile ; car le domicile appartient encore aux étrangers domiciliés et aux esclaves. On ne l'est pas non plus par le seul droit d'ester en justice comme demandeur et comme défendeur ; car ce droit peut être conféré par un simple traité de commerce. Le domicile et l'action juridique peuvent donc appartenir à des gens qui ne sont pas citoyens. Tout au plus, dans quelques États, limite-t-on la jouissance pour les domiciliés on leur impose, par exemple, de se choisir une caution ; et c'est une restriction au droit qu'on leur accorde.
Les enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge de l'inscription civique, et les vieillards qui en ont été rayés sont dans une position presque analogue : les uns et les autres sont bien certainement citoyens ; mais on ne peut leur donner ce titre d'une manière absolue, et l'on doit ajouter pour ceux-là qu'ils sont des citoyens incomplets ; pour ceux-ci, qu'ils sont des citoyens émérites. Qu'on adopte, si l'on veut, toute autre expression, les mots importent peu ; on comprend sans peine quelle est ma pensée. Ce que je cherche, c'est l'idée absolue du citoyen, dégagée de toutes les imperfections que nous venons de signaler. A l'égard des citoyens notés d'infamie et des exilés, mêmes difficultés et même solution.
Le trait éminemment distinctif du vrai citoyen, c'est la jouissance des fonctions de juge et de magistrat. D'ailleurs les magistratures peuvent être tantôt temporaires, de façon à n'être jamais remplies deux fois par le même individu, ou bien limitées, suivant toute autre combinaison ; tantôt générales et sans limites, comme celles de juge et de membre de l'assemblée publique.
On niera peut-être que ce soient là de véritables magistratures et qu'elles confèrent quelque pouvoir aux individus qui en jouissent ; mais il nous paraîtrait assez plaisant de n'accorder aucun pouvoir à ceux-là même qui possèdent la souveraineté. Du reste, j'attache à ceci peu d'importance ; c'est encore une question de mots. La langue n'a point de terme unique pour rendre l'idée de juge et de membre de l'assemblée publique ; j'adopte, afin de préciser cette idée, les mots de magistrature générale, et j'appelle citoyens tous ceux qui en jouissent. Cette définition du citoyen s'applique mieux que toute autre à ceux que l'on qualifie ordinairement de ce nom. »
Aristote, Politique
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