29/08/2017
Dieu seul savait combien de vies il avait sauvées dans l’exercice de son sacerdoce
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« Parfois, Harry White se prenait à songer aux nombreux couples dont l’union était menacée en raison de rapports sexuels médiocres ou tourmentés.
Il devait bien y avoir des millions de femmes qui marchaient aux tranquillisants pour oublier leurs frustrations. Sans parler des milliers, voire des centaines de milliers, qui se trouvaient dans les hôpitaux psychiatriques après une dépression due à une vie inexistante ou peu satisfaisante. Songez donc à tous ces foyers brisés, à tous ces orphelins qui coulent une vie sans joie, tout ça faute d’orgasme.
Harry n’était pas précisément un chaud partisan du M.L.F. mais il était intimement convaincu que les femmes étaient victimes d’une injustice.
Après tout, c’est un fait reconnu et universellement accepté, la plupart des hommes donnent des coups de canif dans le contrat, comme on dit : ils aiment bien faire la noce avec les copains et s’offrir une petite partie de cul. Et pourtant, la femme est censée rester à la maison pour s’occuper des gosses, et doit supplier son noceur de mari de lui faire l’amour de temps en temps. Et si, lasse d’attendre les étreintes sporadiques, maladroites et indigentes de son époux, elle s’avise de lui trouver, disons, un substitut, elle est vilipendée, traînée dans la boue, battue et parfois même, c’est bien triste à dire, tuée. Non, Harry n’était certes pas un militant convaincu du M.L.F., mais il était conscient de l’injustice criante de cette situation.
Alors, humblement, avec les moyens dont il disposait, il faisait son possible pour la réparer, ou tout au moins pour y remédier dans une certaine mesure. Dieu seul savait combien de vies il avait sauvées dans l’exercice de son sacerdoce. Pas seulement de vies conjugales, des vies tout court peut-être. Qui sait combien de femmes sont encore en vie et heureuses parce que Harry White, poursuivant sa vocation sans relâche, leur a épargné la folie ou la mort en crevant l’abcès de leurs anxiétés, de leurs angoisses et de leurs frustrations. »
Hubert Selby Jr., Le démon
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