27/02/2014
Notre époque montre une forte tendance au pacifisme. Ce courant émane de deux sources, l'idéalisme et la peur du sang. L'un refuse la guerre par amour des hommes, et l'autre parce qu'il a peur.
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Au premier plan, Ernst Jünger, avec derrière lui Emil Cioran
« La guerre est la plus forte rencontre des peuples. Alors que commerce et circulation, compétitions et congrès ne font se joindre que les pointes avancées, la guerre engage l'équipe au complet, avec un objectif seul et unique : l'ennemi. Quels que soient les problèmes et les idées qui agitent le monde, toujours leur sort se décida par la confrontation dans le sang. Certes toute liberté, toute grandeur et toute culture sont issues du silence de l'idée, mais seules les guerres ont pu les maintenir, les propager ou les perdre. La guerre seule a fait des grandes religions l'apanage de la terre entière, a fait surgir au jour, depuis leurs racines obscures, les races les plus capables, a fait d'innombrables esclaves des hommes libres. La guerre n'est pas instituée par l'homme, pas plus que l'instinct sexuel ; elle est loi de nature, c'est pourquoi nous ne pourrons jamais nous soustraire à son empire. Nous ne saurions la nier, sous peine d'être engloutis par elle.
Notre époque montre une forte tendance au pacifisme. Ce courant émane de deux sources, l'idéalisme et la peur du sang. L'un refuse la guerre par amour des hommes, et l'autre parce qu'il a peur.
Le premier est de la trempe des martyrs. C'est un soldat de l'idée ; il est courageux : on ne peut lui refuser l'estime. Pour lui, l'humanité vaut plus que la nation. Il croit que les peuples, dans leur furie, ne font que frapper l'ennemi de plaies sanglantes. Et que lorsque les armes ferraillent, on cesse d'oeuvrer à la tour que nous voulons pousser jusqu'au ciel. Alors il s'arc-boute entre les vagues sanglantes et se fait fracasser par elles.
Pour l'autre, sa personne est le bien le plus sacré ; par conséquent il fuit le combat, ou le redoute. C'est le pacifiste qui fréquente les matchs de boxe. il s'entend revêtir sa faiblesse de mille manteaux chatoyants - celui du martyr de préférence -, et bon nombre d'entre eux ne sont que trop séduisants. Si l'esprit d'un peuple entier pousse dans ce sens, c'est le tocsin de la ruine prochaine. Une civilisation peut être aussi supérieure qu'elle veut - si le nerf viril se détend, ce n'est plus qu'un colosse aux pieds d'argile. Plus imposant l'édifice, plus effroyable sera le chute. »
Ernst Jünger, La Guerre comme expérience Intérieure
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Je n'imaginais pas Emil Cioran et Ernst Jünger se rencontrer. Ah, si leur conversation avait pu être enregistrée !
Écrit par : pierre Aragon | 27/02/2014
Les commentaires sont fermés.