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18/03/2014

De tous les conformismes, le conformisme du non-conformisme est le plus hypocrite et le plus répandu aujourd’hui

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« L’acte d’écrire exige une parfaite innocence, et l’innocence est de plus en plus rare dans ce guignol philosophique où l’opinion des autres et la gloire de paraître sont reines, où tout commence par un manuscrit, et finit par un manuscrit. La fragile innocence, l’éphémère modestie sont à la merci de la moindre réflexion de conscience, et la conscience a tôt fait de les déniaiser ! Pour s’abstenir de ce regard sur soi qui est initiation à la vanité littéraire, pour refuser cette grande représentation théâtrale qui s’appelle la vie, une spontanéité à l’abri de toute tentation serait nécessaire, ou, si la spontanéité fait défaut, une vigilance de chaque instant. Car il ne suffit pas de renoncer au confort petit-bourgeois d’un cénacle, encore faut-il ne pas se laisser embrigader dans l’absence de cénacle. À quoi bon refuser de sculpter notre statue, de nous considérer comme l’auteur d’une œuvre, si c’est pour jouer le rôle du philosophe marginal, si c’est pour vendre du marginalisme, pour devenir le polichinelle de l’inachevé ? De tous les conformismes, le conformisme du non-conformisme est le plus hypocrite et le plus répandu aujourd’hui. C’est cela le Diable qui nous épie, nous surveille, et nous guette… La conscience que nous prenons de notre courage le défigure, elle peut en faire un courage de matamore, c’est-à-dire une caricature ; mais en ce cas nous n’en demeurons pas moins courageux, malgré nos fanfaronnades ; car un bouffon peut être héroïque par vanité. Il existe, en revanche, d’autres vertus plus secrètes, qui sont littéralement assassinées, nihilisées, et d’un seul coup, par la conscience même qu’on en prend, comme par exemple la modestie, le charme, ou l’humour. Il n’en reste rien. »

Vladimir Jankélévitch et Béatrice Berlowitz, Quelque part dans l’inachevé

 

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