Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/07/2014

Au pouvoir du monde je n’ai rien à opposer que moi-même

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Le monde est donc plus fort que moi. À son pouvoir je n’ai rien à opposer que moi-même, mais, d’un autre côté, c’est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où je n’aurai plus que mon silence pour défendre mon inviolabilité, car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant.



Telle est ma seule consolation. »

Rainer Maria Rilke, Poèmes épars et fragments

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'incohérence étant trait de mâle

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« A cette répugnance à être aimés, qu'ont certains hommes, je vois plusieurs raisons, contradictoires comme de juste, l'incohérence étant trait de mâle.
 Orgueil. - Désir de garder l'initiative. Dans l'amour qu'on nous porte, il y a quelque chose qui nous échappe, qui risque de nous surprendre, peut-être de nous déborder, qui attente à nous, qui veut nous manoeuvrer. Même dans l'amour, même en étant deux, on ne veut pas être deux, on veut rester seul.
 Humilité, ou, si le mot paraît trop fort, absence de fatuité. - L'humilité d'un homme lucide, qui ne se connaît pas tant de beauté ni tant de valeur, et trouve qu'il y a quelque chose de ridicule à ce que ses moindres gestes, paroles, silences, etc., créent bonheur ou même malheur. Quel injuste pouvoir on lui donne ! Je ne fais pas grand cas de quelqu'un qui ose penser tout haut : "Elle m'aime", qui n'essaye pas au moins de diminuer la chose en disant : "Elle se monte la tête sur moi." Par quoi sans doute il rabaisse la femme, mais ne le fait que parce que d'abord il s'est rabaissé soi-même.
 Sentiment que je rapproche, par exemple, de celui de l'écrivain qui trouverait ridicule d'avoir des "disciples", parce qu'il sait de quoi est faite sa personnalité, et ce qu'il en retourne des "messages". Un homme digne de ce nom méprise l'influence qu'il exerce, en quelque sens qu'elle s'exerce, et subit de devoir en exercer une, comme la rançon de sa tarentule de s'exprimer. Nous, nous voulons ne pas dépendre. Et nous estimerions les âmes qui se mettent sous notre dépendance ? C'est par une haute idée de la nature humaine, qu'on se refuse à être chef.
 Dignité. - Gêne et honte du rôle passif que joue un homme qui est aimé. Etre aimé, pense-t-il, est un étant qui ne convient qu'aux femmes, aux bêtes et aux enfants. Se laisser embrasser, câliner, pressurer la main, regarder avec l'oeil noyé : pour un homme, pouah ! (La plupart des enfants eux-mêmes, si féminins qu'ils soient en France, n'aiment pas du tout qu'on les embrasse. Ils se laissent faire par politesse, et parce qu'il le faut bien, les grandes personnes étant plus musclées qu'eux. Leur impatience de ces suçotements n'échappe qu'au suçoteur, qui croit qu'ils en sont ravis.)
 Désir de rester libre, de se préserver. - Un homme qui est aimé est prisonnier. Cela est trop connu, n'y insistons pas. »

Henry de Montherlant, Les jeunes filles

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook