25/07/2014
Un bois n’a jamais refusé l’asile
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« En Russie, la forêt tend ses branches aux naufragés. Les croquants, les bandits, les cœurs purs, les résistants, ceux qui ne supportent d’obéir qu’aux lois non écrites, gagnent les taïgas. Un bois n’a jamais refusé l’asile. Les princes, eux, envoyaient leurs bûcherons pour abattre les bois. Pour administrer un pays, la règle est de le défricher. Dans un royaume en ordre, la forêt est le dernier bastion de liberté à tomber.
L’Etat voit tout ; dans la forêt, on vit caché. L’Etat entend tout ; la forêt est nef de silence. L’Etat contrôle tout ; ici, seuls prévalent les codes immémoriaux. L’Etat veut des êtres soumis, des cœurs secs dans des corps présentables ; les taïgas ensauvagent les hommes et délient les âmes. Les Russes savent que la taïga est là si les choses tournent mal. Cette idée est ancrée dans l’inconscient. Les villes sont des expériences provisoires que les forêts recouvriront un jour. Au nord, dans les immensités de Yakoutie, la digestion a commencé. Là-bas, la taïga reconquiert des cités minières abandonnées à la perestroïka. Dans cent ans, il ne restera que les prisons à ciel ouvert que des ruines enfouies sous les frondaisons. Une nation prospère sur une substitution de populations : les hommes remplacent les arbres. Un jour, l’histoire se retourne, et les arbres repoussent.
Refuzniks de tous les pays, gagnez les bois ! Vous y trouverez consolation. La forêt ne juge personne, elle impose sa règle. »
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