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02/08/2014

Ils donnent un nom à la peine ou à la vengeance

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Les hommes sont des abeilles. Ils régurgitent leur vie sous forme de récit pour ne pas demeurer hébétés dans le silence comme sont les fous ou les malheureux. A chaque retour de la nuit, ils restituent, amassent, partagent et dévorent les sucs qu’ils ont récoltés et le récit de leur quête. Ce sont les veillées et ce sont les rêves. Je ne suis pas sûr que les récits des hommes soient plus volontaires que leurs rêves. J’ai le souhait qu’ils soient aussi impérieux si ce sont des romans. Les romans sont aux jours ce que les rêves sont aux nuits. Quelles bêtes prédatrices pourraient-elles supporter que leur vie épouse autre chose que l’image d’une espèce d’affût et de course, de désir et de proie ? Nous nommons cela le sens de la vie. Nous aimons les mots qui sont impressionnants. (…) Les livres que composent les hommes depuis Troie, depuis Albe, ne sont pas plus civilisés que le miel ne l’est au regard de ces insectes jaunes et noirs qui volent et prélèvent leur butin dans le sexe des fleurs. Les auteurs de romans ou de contes nous permettent de nous réciter une leçon que notre attention rend impossible et qui nous fait passer en hâte d’un peu de flottaison dans l’obscurité du sexe d’une femme à la désintégration de la lumière où vécut notre désir dans la mort où il s’éteint. Ils élaborent la douleur. Ils donnent un nom à la peine ou à la vengeance. Ils préservent une proie à nos vies. »

Pascal Quignard, Albucius

 

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