05/08/2014
Paris dans sa majorité attendait pour choisir son opinion de voir de quel côté pencherait la balance de la guerre
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« Je ne fais pas ce récit par vantardise, comme les vieux ténors déchus qui radotent : "Ah ! si vous m’aviez entendu en 1935, au Capitole, dans Werther !" J’ai suffisamment, dans la suite, subi d’insuccès et d’avanies à Paris pour juger à leur prix les toquades de cette ville. Mais je veux rappeler qu’un collaborateur extrémiste était loin de vivre en 1942 dans une solitude amère et déshonorée, que s’il provoquait des curiosités comme un phénomène zoologique, ses plus tonitruantes extravagances lui attiraient des émules, innombrables ma foi ! Ma photographie, plutôt rogue, en grand format, au milieu des feuilles de mon manuscrit, orna jour et nuit durant plusieurs semaines la vitrine de "Rive gauche", au coeur de ce Quartier Latin que l’on disait si cocardier, sans que le plus petit caillou fût lancé contre elle, qu’elle excitât la moindre inscription vengeresse. Paris dans sa majorité attendait pour choisir son opinion de voir de quel côté pencherait la balance de la guerre. Si nous nous trouvions à l’épilogue sur le bon plateau, sans aucun doute une belle foule de partisans nous rejoindrait avec empressement. Déjà, la rhétorique péremptoire d’un fasciste d’avant-garde tel que moi ébranlait bien des indécis : "Après tout, ces garçons disent beaucoup de vérités. Les politiciens de la défunte IIIème ont été des criminels imbéciles. Les Allemands ne sont pas tellement intraitables. Et qu’est ce qui nous tomberait sur le dos si les Russes gagnaient ?" »
Lucien Rebatet, Les Mémoires d’un fasciste - II
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