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17/09/2014

La lit­téra­ture est un cer­cle fermé, un cer­cle malade

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« La sex­u­al­ité forme la total­ité du monde fan­tas­tique épico-lyrique des Ital­iens. Un écrivain orig­i­nal est un écrivain qui parvient à trou­ver une nou­velle solu­tion à un prob­lème psy­chologique dont les ter­mes ne changent jamais : l’amour, la pas­sion, l’adultère. La gamme des tonal­ités peut s’écraser dans la plus plate des pornogra­phies ou bien attein­dre le plus mièvre des clairs de lune sen­ti­men­taux. Voici les héros : le jeune gen­til­homme déca­dent, élégam­ment vicieux, la cocotte spir­ituelle, la jeune fille qui se débat entre les mœurs tra­di­tion­nelles et l’émancipation, l’épouse qui n’éprouve pas de sat­is­fac­tions suff­isantes dans le rap­port con­ju­gal et ainsi de suite. Si les Ital­iens ne veu­lent pas ennuyer leurs lecteurs, ils doivent racon­ter des his­toires de femmes, de cheva­liers et d’amours (les armes sont inter­dites et réservés aux envoyés spéciaux).

La lit­téra­ture est un cer­cle fermé, un cer­cle malade.

A lire ces livres, on a l’impression que l’Italie est un immense sérail plein de gorilles en chaleur qui font les sen­ti­men­taux, parce que le sen­ti­men­tal­isme est la voie la plus sûre pour attein­dre le but con­voité. Il sem­ble qu’à l’exception de l’activité amoureuse il n’y ait aucune autre activ­ité dans la vie, ou du moins que pour l’Arcadie artis­tique qui a fixé un mod­èle extérieur de per­fec­tion, toutes les autres activ­ités soient inférieures. Il sem­ble que la vie mod­erne dans son ensem­ble, tra­ver­sée par la fièvre du tra­vail, riche des drames spir­ituels provo­qués par la lutte des classes, par le choc des intérêts antag­o­nistes, ne puisse devenir un con­tenu artis­tique à l’exception de quelques rares cas, offerts par les pirates des porte­feuilles, mais surtout par les pirates des alcôves. Il y a un déséquili­bre dans l’activité lit­téraire qui est le résultat de la vie super­fi­cielle de la réal­ité et qui reverse sur elle une quan­tité de marchan­dise frap­pée de super­fi­cial­ité, de légèreté, de vide rhé­torique. »

Anto­nio Gram­sci, Pourquoi je hais l’indifférence

 

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