Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/10/2014

Car tout instinct est avide de domination...

=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=

 

« Je me suis rendu compte peu à peu de ce que fut jusqu'à présent toute grande philosophie : la confession de son auteur, une sorte de mémoires involontaires et insensibles ; et je me suis aperçu aussi que les intentions morales ou immorales formaient, dans toute philosophie, le véritable germe vital d'où chaque fois la plante entière est éclose. On ferait bien en effet (et ce serait même raisonnable) de se demander, pour l'élucidation de ce problème : comment se sont formées les affirmations métaphysiques les plus lointaines d'un philosophe ? — on ferait bien, dis-je, de se demander à quelle morale veut-on en venir ? Par conséquent, je ne crois pas que l' "instinct de la connaissance" soit le pire de la philosophie, mais plutôt qu'un autre instinct s'est servi seulement, là comme ailleurs, de la connaissance (et de la méconnaissance) ainsi que d'un instrument. Mais quiconque examinera les instincts fondamentaux de l'homme, en vue de savoir jusqu'à quel point ils ont joué, ici surtout, leur jeu de génies inspirateurs (démons et lutins peut-être — ), reconnaîtra que ces instincts ont tous déjà fait de la philosophie — et que le plus grand désir de chacun serait de se représenter comme fin dernière de l'existence, ayant qualité pour dominer les autres instincts. Car tout instinct est avide de domination : et comme tel il aspire à philosopher. - Certes, chez les savants, les véritables hommes scientifiques, il se peut qu'il en soit autrement — que ceux-ci soient, si l'on veut, en "meilleure" posture. Peut-être y a-t-il là véritablement quelque chose comme l'instinct de connaissance, un petit rouage indépendant qui, bien remonté, se met à travailler bravement, sans que tous les autres instincts du savant y soient essentiellement intéressés. C'est pourquoi les véritables « intérêts » du savant se trouvent généralement tout à fait ailleurs, par exemple dans la famille, dans l'âpreté au gain, ou dans la politique ; il est même presque indifférent que sa petite machine soit placée à tel ou tel point de la science, et que le jeune travailleur d' "avenir" devienne bon philologue, ou peut-être connaisseur de champignons, ou encore chimiste : — peu importe, pour le distinguer, qu'il devienne ceci ou cela. Au contraire, chez le philosophe, il n'y a rien d'impersonnel ; et particulièrement sa morale témoigne, d'une façon décisive et absolue, de ce qu'il est, — c'est-à-dire dans quel rapport se trouvent les instincts les plus intimes de sa nature. »

Friedrich Nietzsche, Généalogie de la morale, Traité I : "Bon et méchant", "Bon et mauvais", §6

23:40 Publié dans Friedrich Nietzsche | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les commentaires sont fermés.