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31/12/2014

un système social sorti d’une tête de mathématicien

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Ils n’admettent pas une autre cause, l’interrompit Razoumikhine avec feu. Je ne me trompe pas ; je te montrerai leurs livres ; je te montrerai ce qu’ils disent : "tel individu a été perdu par son milieu" et c’est tout ; c’est leur phrase favorite. D’où la conclusion que si la société était organisée de façon normale, il n’y aurait plus de crimes car on n’aurait plus à protester et tous les hommes deviendraient des "justes".


(...)


Ils ne voient pas une humanité qui se développe par une progression historique et vivante et produit enfin une société normale, mais un système social sorti d’une tête de mathématicien et qui doit organiser, en un clin d’œil, la société, la rendre juste et parfaite avant tout processus historique ; d’où leur haine instinctive pour l’histoire. Ils disent : "C’est un ramassis d’horreurs et d’absurdités" et tout s’explique immanquablement par l’absurdité ; d’où également leur haine de ce processus vivant qu’est l’existence; pas besoin d’âme vivante, car l’âme vivante a ses exigences, elle n’obéit pas aveuglément à la mécanique, une âme vivante est méfiante, elle est rétrograde et celle qu’ils veulent (...) est un esclave qui n’ira jamais se révolter... et il en résulte que tout leur système est établi sur une superposition de briques : par la manière de disposer les corridors et les pièces d’un phalanstère !

Ce phalanstère, il est prêt, mais c’est la nature humaine qui ne l’est pas ; elle veut encore vivre, traverser tout le processus de la vie avant de s’en aller au cimetière. La logique ne suffit pas à permettre ce saut par-dessus la nature. La logique ne prévoit que trois cas quand il y en a un million. Ce million, le supprimer et ramener tout à l’unique question du confort ! Voilà la solution la plus facile du problème. Une solution d’une clarté séduisante et qui rend toute réflexion inutile, voilà l’essentiel. Tout le mystère de la vie tient dans deux feuilles d’impression... »

Fiodor Dostoïevski, Crime et Châtiment

 

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