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26/03/2015

Ils étaient un symbole, celui de la virilité, de la loi, du monde...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« C’est ce décalage entre le couple rêvé et le couple réel qui pousse les femmes à divorcer. Ce décalage a toujours existé.De la princesse de Clèves à Madame Bovary, les femmes ont rêvé du couple idéal. Les fantasmes des hommes étaient différents, dans la conquête et la collection. Tant que l’idéologie masculine s’im­posait à la société, le mariage demeura un arrangement commercial. Et les affaires ont besoin de la durée et de tranquillité. À partir du moment où la société se féminise, c’est le couple et non le mariage qui devient la grande quête. L’affaire commerciale devient histoire de passion, d’amour. Le couple est exalté, déifié. C’est justement pour cette raison qu’il devient fragile. Dans une société patriarcale, qui interdit le divorce et confine les femmes à la maison, l’irrépressible bovarysme féminin est dans les fers. Il souffre, meurtri, frustré.

Au tournant des années 70 du XXe siècle, la conjonction du divorce facile et de l’accès des femmes au salariat libère soudainement cet étemel bovarysme, lui donne une puissance insoupçonnée, qui va tout emporter sur son passage. De rare et mal vu, le divorce entre dans l’ère des masses. Au lieu de contrecarrer les effets de cette passion incontrôlée, comme le fit Napoléon avec le Code civil, nos politiques, de droite comme de gauche, ont choisi d’accompagner, d’accélérer, d’amplifier le phénomène. C’est que toute la société, hommes et femmes, est emportée par le romantisme du couple. C’est toute la société, hommes et femmes, qui rêve de devenir femme. Les hommes ne restent pas souvent seuls. Les femmes, si. Une vieille habitude de l’introspection les garantit contre l’illusion. Elles sont plus exi­geantes. Elles rêvent toujours du prince charmant, même si elles le nient. Surtout si elles le nient. Les plus fines découvrent, mais un peu tard, que ren­contre après rencontre, histoire après histoire, c’est toujours la même chose, les mêmes désillusions, les mêmes contraintes.

Si, comme l’a dit Lacan, l’amour est la rencontre de deux névroses, il ne peut pas en être autrement. Chacun rencontrera celui dont la névrose s’encastrera au mieux dans la sienne. Elles découvrent donc, mais un peu tard, que le rêve de "refaire sa vie" relève largement du mythe, que leur divorce a été vain. Comme la plupart des divorces. Elles sont seules. Avec leurs enfants.
Tous les journaux féminins ont décrit à satiété la fusion entre la mère divorcée et le fils. C’est encore pire que cela. Les hommes sont loin. Leur rôle de père était ingrat : ils devaient séparer la mère de son fils, le sortir de la fusion originelle, l’ouvrir au monde. Ils devaient subir la fureur du fils et de la mère. Être le salaud. Longtemps ils l’ont fait, tenant leur rôle stoïquement. Les femmes les ont libérés de ce rôle de méchant. Ils exultent en silence. La plupart ont déserté. Ce rôle de père leur pesait depuis des millénaires sans qu’ils osent le dire. Pour une poignée qui prend son rôle à cœur, com­bien de pères absents, qui disparaissent carrément de la vie de leurs enfants ? L’aubaine. Jadis, ils ne s’en occupaient pas beaucoup, mais ils les nourrissaient, et puis ils étaient un symbole, celui de la virilité, de la loi, du monde. C’était fatigant. Les nouveaux hommes en ont eu assez d’incarner la loi. La répression.

D’abord, ils ont voulu incarner l’amour, la vie. Des papas poules. Et puis ils s’en sont lassés aussi. Adieu couches, biberons, pous­sette. Maintenant, les femmes restent seules avec leur progéniture. Au mieux, les hommes paient pour se débarrasser de leurs responsabilités. Au pire, ils ne paient pas. Les mères célibataires n’ont jamais été aussi nombreuses ; jamais aussi pauvres. Devant ce déni de responsabilité, devant cette fuite jubilatoire des hommes, les femmes s’affolent, fulminent, vindicatives souvent. Comme elles se sont elles-mêmes dépouillées des liens anciens que tissaient la religion, le devoir, le sentiment de pro­tection que l’on avait inculqué aux hommes, elles sont obligées de faire appel à la société, à la loi, au pouvoir coercitif, en somme à une nouvelle forme de contrainte pour rattraper des hommes égaillés dans la pampa joyeuse de l’irresponsabilité. Tout est bon pour ça. Les juges, le plus souvent des femmes, font saisir les comptes des maris indélicats. Les lois empilent les obligations "alimentaires" du mari. La société est confrontée à une contradiction majeure : prônant une liberté individuelle exclusive, elle favorise de plus en plus le divorce en self-service. Mais pour corriger les effets dévastateurs de ce divorce massifié, elle accumule les contraintes pour encadrer les débordements de la sexualité masculine. Au nom du progrès et de l’égalité évidemment. »

Eric Zemmour, Le Premier Sexe

 

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