29/03/2015
Les hommes je les emmerde tous, ce qu’ils disent n’a aucun sens...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Le malheur en tout ceci c’est qu’il n’y a pas de "peuple" au sens touchant où vous l’entendez, il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demande qu’à devenir exploiteur. Il ne comprend pas autre chose. Le prolétariat héroïque égalitaire n’existe pas. C’est un songe creux, une FARIBOLE, d’où l’inutilité, la niaiserie absolue, écœurante de toutes ces imageries imbéciles, le prolétaire en cotte bleue, le héros de demain, et le méchant capitaliste repu à chaîne d’or. Ils sont aussi fumiers l’un que l’autre. Le prolétaire est un bourgeois qui n’a pas réussi. Rien de plus. Rien de moins. Rien de touchant à cela, une larmoyerie gâteuse et fourbe. C’est tout. Un prétexte à congrès, à prébendes, à paranoïsmes... L’essence ne change pas. On ne s’en occupe jamais, on bave dans l’abstrait. L’abstrait c’est facile, c’est le refuge de tous les fainéants. Qui ne travaille pas est pourri d’idées générales et généreuses. Ce qui est beaucoup plus difficile c’est de faire rentrer l’abstrait dans le concret.
Demandez-vous à Brueghel, à Villon, s’ils avaient des opinions politiques ?...
J’ai honte d’insister sur ces faits évidents… Je gagne ma croûte depuis l’âge de 12 ans (douze). Je n’ai pas vu les choses du dehors mais du dedans. On voudrait me faire oublier ce que j’ai vu, ce que je sais, me faire dire ce que je ne dis pas, penser à ma place. Je serais fort riche à présent si j’avais bien voulu renier un peu mes origines. Au lieu de me juger on devrait mieux me copier au lieu de baver ces platitudes – tant d’écrivains écriraient des choses enfin lisibles...
La fuite vers l’abstrait est la lâcheté même de l’artiste. Sa désertion. Le congrès est sa mort. La louange son collier, d’où qu’elle vienne. Je ne veux pas être le premier parmi les hommes. Je veux être le premier au boulot. Les hommes je les emmerde tous, ce qu’ils disent n’a aucun sens. Il faut se donner entièrement à la chose en soi, ni au peuple, ni au Crédit Lyonnais, à personne. »
Louis-Ferdinand Céline, Lettre à Elie Faure, in "Lettres" - Bibliothèque de la Pléiade
22:35 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.