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28/04/2015

Mais pouvez-vous empêcher qu’on écrive ?

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« La permission tacite, me direz-vous, n’est-elle pas une infraction de la loi générale qui défend de rien publier sans approbation expresse et sans autorité ? — Cela se peut, mais l’intérêt de la société exige cette infraction, et vous vous y résoudrez parce que toute votre rigidité sur ce point n’empêchera point le mal que vous craignez, et qu’elle vous ôterait le moyen de compenser ce mal par un bien qui dépend de vous. — Quoi ! je permettrai l’impression, la distribution d’un ouvrage évidemment contraire à un culte national que je crois et que je respecte, et je consentirai le moins du monde qu’on insulte à celui que j’adore, en la présence duquel je baisse mon front tous les jours, qui me voit, qui m’entend, qui me jugera, qui me remettra sous les yeux cet ouvrage même ? — Oui, vous y consentiriez ; eh ! ce Dieu a bien consenti qu’il se fit, qu’il s’imprimât, il est venu parmi les hommes et il s’est laissé crucifier pour les hommes. Moi qui regarde les mœurs comme le fondement le plus sûr, peut-être le seul, du bonheur d’un peuple, le garant le plus évient de sa durée, je souffrirai qu’on répande des principes qui les attaquent, qui les flétrissent ? — Vous le souffrirez. — J’abandonnerai à la discussion téméraire d’un fanatique, d’un enthousiaste, nos usages, nos lois, notre gouvernement, les objets de la terre les plus sacrés, la sécurité de mon souverain, le repos de mes concitoyens. — Cela est dur, j’en conviens, mais vous en viendrez là, oui, vous en viendrez là tôt ou tard, avec le regret de ne l’avoir pas osé plus tôt. — Il ne s’agit pas ici, monsieur, de ce qui serait le mieux, il n’est pas question de ce que nous désirons tous les deux, mais de ce que vous pouvez, et nous disons l’un et l’autre du plus profond de notre âme : "Périssent, périssent à jamais les ouvrages qui tendent à rendre l’homme abruti, furieux, pervers, corrompu, méchant !"

Mais pouvez-vous empêcher qu’on écrive ? — Non. — Eh bien ! vous ne pouvez pas plus empêcher qu’un écrit ne s’imprime et ne devienne en peu de temps aussi commun et beaucoup plus recherché, vendu, lu, que si vous l’aviez tacitement permis. »

Denis Diderot, Lettre sur le commerce de la librairie ou Mémoire sur la liberté de la presse

 

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