04/06/2015
Séduisante chimère
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« Ceux qui avaient interprété la démocratie individualiste issue des Lumières comme une décadence, semblent souvent justifiés aujourd’hui. Elle est bel et bien entrée elle-même en décadence par rapport à ses propres valeurs et à ses ambitions. Son système de sociabilité qui n’a jamais bien fonctionné en Europe est en plein dérapage, surtout en France, lieu de sa fondation. La république contractuelle une et indivisible implose sous nos yeux. Dans sa lucidité, Raymond Aron, pourtant libéral convaincu, l’avait pressenti au terme de ses "Mémoires"(Julliard, 1983): "Sans adopter l’interprétation spenglérienne selon laquelle la civilisation urbaine, utilitaire, démocratique marque en tant que telle une phase de décadence des cultures, il est légitime de se demander, [...] si l’épanouissement des libertés, le pluralisme des convictions, l’hédonisme individualiste ne mettent pas en péril la cohérence des sociétés et leur capacité d’action."
De cette nocivité, la plus grande partie du monde européen était convaincue avant 1914. Mais ce qui donnait de la force au rejet de l’idéologie des Lumières et de 1789, c’est que ce monde européen des monarchies et de l’ancien ordre féodal rénové était aussi le plus efficace, le plus moderne et le plus compétitif sur le terrain économique, social et culturel. Ce fait oublié, il convient de le rappeler. D’abord parce que c’est une réalité historique et à ce titre méritant d’être connue. Ensuite, parce que cette réalité permet de prendre du champ par rapport à l’illusion d’optique que les victoires répétées des Etats-Unis ont imposé depuis la fin du XXe siècle. Illusion qui fait prendre le phénomène particulier et contingent de la société américaine pour une nécessité universelle. Cette séduisante chimère s’est installée d’autant plus aisément que dans nos sociétés les esprits ont été formés depuis longtemps par l’imprégnation inconsciente de la vulgate marxiste à une interprétation déterministe et finaliste de l’histoire où le succès momentané vaut preuve. »
Dominique Venner, Le Siècle de 1914
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