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02/10/2015

Aimer les hommes comme ils sont est impossible. Et pourtant il le faut.

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« Mon ami, aimer les hommes comme ils sont est impossible. Et pourtant il le faut. C’est pourquoi fais-leur du bien en refrénant tes sentiments, en te bouchant le nez et en fermant les yeux (cette dernière condition est indispensable). Supporte le mal qu’ils te font, sans leur en vouloir, si possible, “en te souvenant que tu es homme aussi”. Naturellement, tu as le droit d’être sévère avec eux s’il t’a été donné d’être un tant soit peu plus intelligent que la moyenne. Les hommes sont naturellement bas et aiment aimer par peur ; ne te laisse pas prendre à cet amour et ne cesse pas de les mépriser. Sache les mépriser, même quand ils sont bons, car c’est surtout alors qu’ils sont infects. C’est parce que je me connais bien que je parle ainsi ! Quiconque n’est pas trop bête ne peut pas vivre sans se mépriser, honnête ou malhonnête, peu importe. Aimer son prochain et ne pas le mépriser, c’est impossible. Selon moi, l’homme a été créé physiquement incapable d’aimer son prochain. Il y a là une erreur de langage, dès le début, et “l’amour de l’humanité” doit être compris uniquement de l’humanité que tu te crées à toi-même dans ton coeur (en d’autres termes, je me crée moi-même ainsi que l’amour pour moi), et qui par conséquent n’existera jamais réellement. »

Fiodor Dostoïevski, L’Adolescent

 

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Évidemment, je n’ai tué personne, mais toutes ces batailles dont je me sens solidaire, je les revis toutes en même temps...

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« — 1673, exactement, dit le vieux monsieur en souriant pour la première fois.
— Trois siècles de certitude héréditaire. Écœurant. Je vous regarde et je vous trouve parfait. C’est pourquoi je vous hais. Et c’est chez vous, ici, que je conduirai les plus misérables, demain. Ils ne savent rien de ce que vous êtes, de ce que vous représentez. Votre univers n’a aucune signification pour eux. Ils ne chercheront pas à comprendre. Ils seront fatigués, ils auront froid, ils feront du feu avec votre belle porte de chêne […] et s’essuieront les mains aux livres de votre bibliothèque. Ils cracheront votre vin. Ils mangeront avec leurs doigts dans les jolis étains que je vois à votre mur. Assis sur leurs talons, ils regarderont flamber vos fauteuils. Ils se feront des parures avec les broderies de vos draps. Chaque objet perdra le sens que vous lui attachiez, le beau ne sera plus beau, l’utile deviendra dérisoire et l’inutile, absurde. Plus rien n’aura de valeur profonde, sauf peut-être le bout de ficelle oublié dans un coin et qu’ils se disputeront, qui sait ? en cassant tout autour d’eux. Cela va être formidable ! Foutez le camp !
—  Encore un mot : eux vont détruire sans savoir, sans comprendre. Mais vous ?
— Moi, parce que j’ai appris à haïr tout cela. Parce que la conscience globale du monde exige que l’on haïsse tout cela. Foutez le camp ! Vous m’emmerdez !


Le vieux monsieur entra dans la maison, puis en ressortit aussitôt, un fusil de chasse à la main.


—  Que faites-vous ? demanda le jeune homme.
—  Je vais vous tuer, bien sûr ! Le monde qui est le mien ne vivra peut-être pas au-delà de demain matin et j’ai l’intention de profiter intensément de ses derniers instants. Je vais vivre une seconde vie, cette nuit, sans bouger d’ici et je crois qu’elle sera plus belle encore que la première. Comme mes semblables sont partis, j’ai l’intention de la vivre seul.
—  Et moi ?
—  Vous, vous n’êtes pas mon semblable. Vous êtes mon contraire. Je ne veux pas gâcher cette nuit essentielle en compagnie de mon contraire. Je vais donc vous tuer.
—  Vous ne saurez pas. Je suis certain que vous n’avez jamais tué personne.
—  C’est exact. J’ai toujours mené la vie paisible d’un professeur de lettres qui aimait son métier. Aucune guerre n’a eu besoin de mes services et les tueries d’apparence inutiles m’affligent physiquement. J’aurais probablement fait un bien mauvais soldat. Toutefois, avec Actius, je crois que j’aurais joyeusement tué du Hun. Et avec Charles Martel, lardant de la chair arabe, cela m’aurait rendu fort enthousiaste, tout autant qu’avec Godefroi de Bouillon et Baudoin le lépreux. Sous les murs de Byzance, mort aux côtés de Constantin Dragasès, par Dieu ! que de turcs j’aurais massacrés avant d’y passer à mon tour ! Heureusement que les hommes qui ignorent le doute ne meurent pas si facilement ! [...] Évidemment, je n’ai tué personne, mais toutes ces batailles dont je me sens solidaire, je les revis toutes en même temps, j’en suis l’unique acteur, avec un seul coup de feu. Voilà.


Le jeune homme s’écroula [...] La tache rouge sur le sein gauche s’élargit quelque peu, puis cessa très vite de saigner. Il mourut proprement. Une victoire à l’occidentale, aussi définitive qu’inutile et dérisoire. C’est en paix avec lui-même, que le vieux M. Calguès tourna le dos à ce mort et rentra dans la maison. »

Jean Raspail, Le camp des Saints

 

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Un jour de triomphe pour les mauvais gouvernements

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« Si des expériences répétées finissent par convaincre qu’on a adopté un système vicieux, on le rejette pour en adopter un autre également imaginaire ; ou bien on cherche à en corriger les vices par quelque modification ; ou bien l’on se persuade qu’il n’y a rien de certain en législation, et qu’on ne saurait mieux faire que de ne pas s’en occuper. Ce dernier parti est ordinairement celui que prend la foule, parce qu’il convient également à la paresse, à l’ignorance, à la tranchante présomption, et aux vices des hommes qui possèdent le pouvoir. Le jour où le peuple se persuade qu’il n’y a rien de certain en politique, est un jour de triomphe pour les mauvais gouvernements ; car, à compter de ce jour, ils n’ont plus de résistance à craindre. »

Charles Comte, Traité de législation, ou exposition des lois générales suivant lesquelles les peuples prospèrent, dépérissent ou restent stationnaires

 

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