08/10/2015
Dans les provinces les plus pauvres de la vie spirituelle
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« Il y a dans le nihilisme des conceptions qui dissolvent tout en hasard. C'est à cela que se rapporte la ridicule terreur qu'éprouve l'homme moderne en présence des microbes ; elle se rencontre surtout dans les provinces les plus pauvres de la vie spirituelle, et correspond au délire collectif de la sorcellerie et de la démonologie aux XVe et XVIe siècles. S'y rattachent également maintes abstractions de la physique moderne qui libère, en tant que scienzia nuova, beaucoup d'énergies du hasard, et que seule remettra à son juste rang la reine des sciences - la théologie. Voilà pourquoi il importe tant que nos meilleurs esprits se consacrent à son étude, qui est entièrement tombée en décadence. Les bouche-trous n'y sont évidemment pas à leur place. Les rapports étroits du savoir et de la foi, si clairement propres à notre époque, nous amènent à souhaiter qu'avant d'être promu maître, magister, chacun soit, tout d'abord, reçu compagnon dans l'une des branches de la science. (...) Ainsi, au point où en sont les choses, dès demain peut-être, en Russie comme en Europe, l'espoir subsiste que naissent des mondes spirituels, enfantement dont les douleurs ont déjà commencé pour nous. Alors se dissipera le cauchemar qui prive aujourd'hui tant d'êtres de la joie de vivre : la sourde sensation d'oeuvrer dans l'absurde, dans les espaces de la destruction, du pur hasard. »
Ernst Jünger, Journal, 7 mars 1944
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