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14/03/2016

Carcel Modelo

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« La ville moderne n’a pas de forum. Elle n’a point d’arènes pour les spectacles et les joies de ses foules. Elle n’a point de maisons d’enfants. Elle n’a point, parmi tous ses caravansérails, de maisons pour le travail, la méditation, le repos de tous les hommes. En Amérique, ses gratte-ciel, création mécanique du génie financier, renferment à la fois, dans une confusion savamment ordonnée, sous une façade unique complètement anonyme et muette, des habitations, des banques, des cinémas, des hôpitaux, des écoles, des églises. Ses architectes n’ont presque rien ajouté aux legs du passé, si ce n’est pour ses victimes, ce rucher scientifiquement imperfectible de crimes, de vices et d’iniquités.
La prison moderne - les Espagnols disent avec candeur Carcel Modelo, prison modèle — résout victorieusement le problème de l’économie d’espace, de travail et de surveillance. Habitée d’une foule, elle réalise l’isolement total de chaque individu dans cette foule. Plus active qu’une ruche, elle sait accomplir en silence, avec méthode, autant de tâches différentes qu’on a jeté d’existences dans ses engrenages. Les chances d’évasion, elle les réduit à des proportions infinitésimales. On s’évadait de la Bastille. On s’évadait de Nouméa, malgré l’océan peuplé de squales. On s’évade de la Guyane, à travers la forêt vierge. On ne s’évade pas de la geôle moderne.
La prison moderne est imperfectible, étant parfaite. On ne peut plus que la détruire. »

Victor Serge, Les Hommes dans la prison

 

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Commentaires

Moi qui m'apprêtais à appareiller doucettement de la syllabe, à cannoter du com pour dire mon bonheur de voir Nebo citer cet honnête homme de Victor Serge ( Kilbatchitch, un nom historique en Russie) je m'aperçois que j'ai laissé des traces de pas dans la neige. Interntiennes (si immaculée.).
Mais revenons à Serge, dont « Les mémoires d'un révolutionnaire » m'ont beaucoup appris sur la droiture, l'espoir et la naïveté de certains communistes de l'an 0, pèlerins enthousiastes qui s'élancèrent dans le hachoir sans pouvoir ou vouloir comprendre la nature foncièrement mortifère de l'abattoir léniniste. Serge, mais aussi Istrati, Pascal, Souvarine et tout ceux qui furent éjectés,massacrés, enfermés parce que membres de l'opposition ouvrière, désireux de voir supprimer la Tchéka tel qu'en l'état pour la rendre responsable devant la justice,désireux aussi, surtout, d'en revenir après la guerre civile à un régime qui ne soit pas si terrorisé par la liberté qu'il s'en fit le persécuteur inlassable. Rêveurs, évidemment, mais d'une étoffe humaine remarquable. Ainsi Victor Serge, exceptionnelle de droiture, d'un courage inflexible, et que ses cinq années de prison en France, injustes au possible (il avait publié dans son canard anar des gens proches de la bande à Bonnot. C'était un ami d'enfance de Raymond Caillemin. A l'époque des lois scélérates il n'en fallait pas plus) avaient bronzé et trempé comme une lame sur laquelle les flics staliniens devaient se briser les crocs. Honnête jusqu'à déposer contre ses convictions. Ah ce moment où tout vacille dans la tête de Serge à sa libération d'Urss (grâce à Gide et qqlq autres) lorsqu'il se rend compte que le coin atroce, squameux, cette poche à purotin de Bruxelles où il avait grandi est devenu un quartier propre, bien tenu, proposant des produits d'excellentes qualités à prix abordables... "Les réformistes auraient-ils raison?" se demande-t-il soudain, toutes certitudes humiliées.. Il ne cache rien. Personnellement, je pense que ces gens se trompaient, gravement, que l'homme ne se change pas et que Kerensky, eusse-t-il été plus fin politique et authentique homme d'état, représentait la meilleure solution, à ce moment-là de l'histoire, pour la Russie. Pour autant je ne tomberais pas dans l'odieux travers de ceux qui jugent à posteriori et traînent ainsi dans la boue tout ceux qui ne furent pas immédiatement de fervents partisans d'un camp du bien qui n'existait pas encore en 40, ni URSS ni USA n'étant alors en guerre et Pétain ramassant les morceaux en essayant de nous éviter un Gauleiter. Je ne jugerais pas plus ces ex communistes des commencements...

Bon, je voulais mettre ça à l'endroit idoine (et finalement c'est ce que je fais ) lorsque soudain, en barbotant parmi les écrits et les coms je m'aperçois que la toile qu'on nous vante comme l'espace de l'illimité est plus étriqué qu'un cul de sac de province où l'on ne peut pas s’enquiller un gorgeon sans être repéré par un arpenteur des terres numériques. Ce qui n'est nullement une critique du dit arpenteur hein ! J'aurais très bien pu en faire autant. C'est juste que c'est amusant...

As always, c'est un plaisir de te lire Neb-haut.

Écrit par : Restif | 18/03/2016

Ah Restif, quel plaisir égal de te lire en ces lieux... Lieux fréquentés, mais ne provoquant guère de commentaires de haute tenue... alors lorsque tu déboules, ça devient palpitant.

En même temps, cela m'arrange quelque peu, car je n'ai plus les nerfs pour venir répondre incessamment et batailler face à une adversité virtuelle qui aspire énergie et enthousiasme...

Comme je le faisais dire à Bloy il y a quelques jours, j'aspire si ce n'est à la sainteté au moins à la paix...

Pour en revenir à ton commentaire, ami, oui... les destins individuels comme des énigmes que le mouvement du corps et de la pensée tentent de résoudre... à moins de s'y complaire. Si je méprise le communisme, il est des communistes dignes d'attention, pour la simple et bonne raison que leur vie même dépasse l'idéologie en laquelle ils ont cru trouver, à un moment, l'échappatoire... mais comme disait, en crânant, Cioran : "Il n'y a pas d'issue, sinon je l'aurais trouvée"...

Du moins il en est une, le Christ... mais c'est un autre débat.

J'aime ces natures fortes qui ne veulent pas se résoudre à la vie comme elle vient. Et Dieu les aime aussi, puisqu'il vomit les tièdes.

Love, Happiness & Havin' Fun... ^_^

Écrit par : Nebo | 25/03/2016

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