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10/01/2018

Chantal Delsol : « Le problème religieux vis-à-vis de la laïcité française est spécifique aux musulmans »

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La philosophe rappelle que la laïcité est un produit de la tradition grecque et judéo-chrétienne. Dire que toutes les religions sont également hostiles à ce principe est faux et réducteur.

La volonté des gouvernants et des médias est constante de tenter de mettre le judéo-christianisme et l’islam sur un pied d’égalité, afin de diluer dans un grand chaudron étiqueté «religion» les comportements parfois si archaïques et inacceptables de l’islam. Certains de nos gouvernants sont tentés d’éradiquer tout signe religieux d’où qu’il vienne, afin de ne pas faire preuve de « discrimination » envers l’islam – idée simplissime, et contre-productive dans sa pathétique sottise.

Un soupçon d’honnêteté nous impose pourtant de distinguer ce qui est tellement différent. Nos contemporains n’aiment pas distinguer, ils voient là des discriminations, et leur désir inaltérable d’égalité les emmène vers toujours plus d’indifférenciation. C’est ainsi qu’on se livre à longueur de médias à des amalgames assez monstrueux: il suffirait d’être un peu patient avec l’islam, puisque le catholicisme aussi a mis des siècles à devenir tolérant et à abandonner ses prétentions au pouvoir temporel.

Comme si la laïcité était un cadeau du temps, un simple produit de l’habitude. Alors que la laïcité est, en réalité, la manière française de dire cette séparation du politique et du sacré qui s’appelle sécularisation chez tous les Européens et apparaît très anciennement chez les Grecs (au VIIe siècle avant J.-C. avec la création de l’Archontat à Athènes), et surtout chez les chrétiens avec le « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Il n’y a ni séparation entre le politique et le sacré, donc ni sécularisation ni laïcité, dans la religion musulmane.

Cela ne veut pas dire que nombre de musulmans de France, français ou non, ne peuvent adopter notre laïcité et la vivre même avec ferveur, en modernisant ou si l’on veut en «protestantisant» leur propre religion. C’est bien d’ailleurs parce que cette évolution vers la laïcité exige un changement profond, parce qu’elle ne correspond pas à la tradition islamique, qu’elle suscite la constitution de groupes intégristes bientôt terroristes.

La laïcité est à l’origine (sous forme de sécularisation), notre invention et notre produit: celui des peuples grecs et judéo-chrétiens. Elle découle directement, et même abruptement, des caractéristiques spécifiques de ce Dieu, qui donne la liberté à l’homme et par conséquent le laisse agir dans sa sphère, celle immanente – celle du politique. Un Dieu qui laisse sa créature faire et assumer ses propres errements. Il n’en va pas du tout de même avec l’islam, qui n’est pas une religion de liberté, mais d’inclusion et de soumission – c’est le mot même.

Aussi l’importance, et l’obligation, de respecter la laïcité, ne signifie pas du tout la même chose en France pour des judéo-chrétiens et pour des musulmans. Pour les premiers elle est la suite légitime de toute leur histoire, qu’ils n’ont pas toujours, loin de là, respectée correctement, mais qu’ils n’ont pas de raison de ne pas respecter à moins de se nier eux-mêmes: on demande juste à l’inventeur de reconnaître son invention… Pour les musulmans, c’est autre chose, puisque toute leur histoire dit précisément le contraire.

On tient, et on a raison, à ce que toutes les religions sans exception se sentent concernées par la laïcité et obéissent à ses exigences. Cependant on n’a pas besoin d’empêcher les juifs et les chrétiens d’organiser des prières de rue ni de brandir le voile intégral dans l’espace public: ils ne le font pas. Le problème religieux vis-à-vis de la laïcité française est spécifique aux musulmans. Pour pouvoir se permettre de s’opposer aux usages musulmans qui vont à l’encontre de la laïcité, on se croit alors obligé d’aller reprocher aux chrétiens jusqu’à leurs legs culturels, comme l’exposition des crèches.

Rappel d’un événement vrai et fondateur pour les croyants, la crèche est devenue pour les non-croyants un mythe signifiant de l’histoire de l’Occident. Toute grande croyance établie sur le long terme laisse des mythes à ses bords, comme la vague de la mer laisse l’écume. En Occident, les mythes, histoires ni vraies ni fausses mais signifiantes et édifiantes, proviennent du judéo-christianisme, ce qui est normal puisque c’est cette religion qui nous a structurés.

S’il y a aujourd’hui un islam de France, puisque 10 % des Français sont musulmans (selon les chiffres d’Hakim El Karoui), pour autant nous ne sommes pas habités par les croyances/mythes des razzias de Mahomet ni la vision des femmes de Mahomet. […]

Depuis les premiers attentats meurtriers, il a été demandé avec force et bien légitimement d’éviter les amalgames entre les terroristes musulmans et la population musulmane largement modérée (c’est d’ailleurs cette population qui prend le risque de s’amalgamer elle-même aux terroristes quand elle garde un silence assourdissant – un des traits qui marque notre différence culturelle: il est clair que si un groupe de catholiques cinglés se mettaient à tuer ainsi en commandos, nous cesserions illico de dormir tant que nous n’aurions pas réussi à nous démarquer d’eux par tous arguments imaginables). Mais il est étrange de voir l’amalgame qui est fait dans le même temps, et d’aussi bon cœur, entre le judéo-christianisme et l’islam – comme si ces deux religions avaient autant de mal l’une que l’autre à assumer la nécessaire laïcité.

Alors que la première est simplement la mère nourricière de la laïcité, bien avant les républicains bruyants, et connaît la chanson mieux que tous ses successeurs donneurs de leçons. Et que la seconde, qui n’est pas née dans le même chaudron, doit tout apprendre de cette séparation du politique et du sacré. Ce qui est loin d’être acquis. Il faut arrêter de sanctuariser l’islam pour se racheter face à d’anciens colonisés. Ce n’est pas seulement l’islamisme, c’est l’islam tout court qui doit tout apprendre sur la laïcité, la tolérance et l’émancipation des femmes. Les 10 % (selon Hakim El Karoui) de musulmans français, ou installés en France, sont bienvenus s’ils acceptent notre art de vivre, et en premier lieu la laïcité avec tout ce qu’elle comporte. Mais ce n’est pas en nous inventant des vices que nous les porterons à notre niveau. C’est en les respectant tels qu’ils sont puis en leur donnant envie de nous ressembler – ce qui suppose que nous cessions de nous mépriser nous-mêmes.

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Source : Chantal Delsol pour Le Figaro, le 09/01/2018

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Chantal Delsol

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Où est passée la France « d'en bas » ?

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« Tout cela va très mal finir » aurait déclaré en privé le président Sarkozy. Que voulait-il dire par là ? Deux France évoluent en parallèle et l'abîme entre elles, ne cesse jour après jour de se creuser un peu plus.

La France dite « d'en haut », ses milieux dirigeants, ses responsables publics et politiques, ses réseaux d'influence, ses médias radio-télévision, ses experts, ses milieux financiers, se porte plutôt bien.

La personnalisation médiatique du pouvoir, autour du plus jeune président de l'histoire, atteint un niveau vertigineux, jamais égalé, oscillant entre l'exaltation et l'exaspération, dans un monde factice, illusoire, surmédiatisé, où le culte du chef est l'écran de fumée qui recouvre, de quinquennat en quinquennat, l'impuissance publique à régler les problèmes des Français.

De même, les crises d'hystérie s'enchaînent à un rythme endiablé, venues des Etats-Unis, après l'affaire des statues dites racistes, la dernière en date autour des scandales sexuels et du « #balancetonporc » comme le montre si bien M. Gilles-William Goldnadel.

La course aux lynchages bat son plein comme dans un jeu de « soft terreur » ayant le déshonneur public pour guillotine. Dernier « suspect », dernier lynché : le député M. Lassale, longtemps coqueluche des médias. Nul n'échappe désormais au syndrome de l'arroseur arrosé, au spectre d'une dénonciation, pas même les bourreaux eux-mêmes, comme le couperet s'est un jour abattu sur la nuque des Robespierre, Saint Just et Fouquier-Tinville.

La fuite dans les commémorations solennelles est elle aussi de routine. Il est logique que cette France dite d'en haut s'apprête à célébrer mai 1968, son acte de naissance, avec son culte du nivellement et de la table rase, son « interdit d'interdire », ses « CRS=SS » et son individu-roi qui s'exprime dans le célèbre — et ambigu — « jouissez sans entraves ». De même, la France dite d'en haut s'enivre par avance dans l'éblouissement des jeux olympiques de Paris 2024, comme pour oublier le présent et le monde des réalités.

Mais au-dessous du grand maelström hystérique, où en est la France dite « d'en bas », celle de la majorité silencieuse et des tracas de la vie réelle ?

Où sont passés les 5 à 6 millions de chômeurs ? Les 2 millions de bénéficiaires du RSA ?, les 8 à 9 millions de pauvres et les 3,2 millions de mal logés ?

Que ne ferait-on pas pour noyer dans un tumulte stérile la pire tragédie de l'histoire de notre pays depuis 1945, celle d'une France ensanglantée par le terrorisme islamiste ?

Et qui parle encore des squats et des bidonvilles qui prolifèrent sur le territoire ? Où en est la crise migratoire, les arrivées incontrôlées en Europe de centaines de milliers de personnes victimes des passeurs criminels ? Où en est l'aéroport de Nantes, voulu par l'Etat, confirmé par référendum, mais bloqué par les zadistes ?

Et la situation des cités sensibles, les territoires perdus de la République, les trafics qui y règnent, les phénomènes de communautarisme et de repli identitaire, la tragédie de leurs habitants surexposés à la violence et qui ne demandent qu'à vivre en paix ?

Où en sont les milliers de collèges et de lycées en crise, où les professeurs débordés par le chaos, insultés, giflés, ne parviennent plus à faire leur métier de transmission des savoirs fondamentaux ?

En 2017 s'est déroulé un événement politique d'une portée capitale, historique, passé quasi inaperçu : le taux d'abstention aux élections législatives, le cœur de toute démocratie, pour la première fois dans l'histoire, a dépassé les 50% signant ainsi le naufrage de la démocratie française, dans l'indifférence générale.

Cette fracture entre les deux France, la France dite d'en haut qui se noie dans les gesticulations de sa bulle médiatique et la France dite d'en bas confrontée à la tragédie du monde réel, est la source de tensions explosives, qui peuvent s'enflammer à tout moment, sous une forme ou sous une autre, dans la rue ou par un vote de destruction en 2022. Certes, aucun signe d'une explosion imminente n'est aujourd'hui décelable mais rien n'est plus calme qu'un magasin de poudre, une demi-seconde avant l'étincelle.

 

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Source : par Maxime Tandonnet, pour Le Figaro, le 24/10/2017

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