20/01/2018
On fait la sieste
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« J'étais dans de vieux villages de l'Hérault, donc, de vieux gros villages ronds et fortifiés, aux rue étroites, aux maisons serrées de guingois les unes contre les autres, et qui an l'an mil avaient déjà, pour beaucoup d'entre eux, une solide expérience du monde. C'était avant la France, diront certains. Peut-être. Quoi qu'il en soit, maintenant, c'était après, aurait-on pu croire : parce qu'aux fenêtres et sur les seuils de ces très vieilles maisons, le long de très vieilles rues, apparaissait presque exclusivement une population inédite en ces parages et qui par son costume, par son attitude, par sa langue même, semblait ne pas lui appartenir mais relever d'un autre peuple, d'une autre culture, d'une autre histoire. Et dans Lunel qui n'est pas un village, c'était cette même impression d'avoir changé de monde sans être sorti de l'ancien, sans avoir quitté les rues et les places de notre pays, leurs statues, leurs églises, leurs anciens repères familiers. Combien sommes-nous à éprouver quotidiennement le même sentiment, et pas seulement dans l'Hérault, le Gard ou le Vaucluse, pas seulement dans la Seine-Saint-Denis quand nous pouvons encore nous y aventurer pas seulement dans le Nord ou le Pas-de-Calais, mais dans toutes les parties du territoire français, le long des trottoirs de nos villes, dans les transports en commun, dans le métro parisien, face aux images ou à la réalité de nos écoles ou de nos universités ? Comme si pendant le temps de notre vie, et moins encore, la France était en train de changer de peuple : on en voit un, on fait la sieste, c'en est un autre, ou plusieurs autres, et qui paraissent appartenir à d'autres rivages, à d'autres ciels, d'autres architectures, d'autres mœurs, c'est ce qu'ils semblent penser eux aussi.On dira, en tout cas on nous dit tous les jours, c'est la doctrine officielle, radio et télévision nous la rabâchent à l'envi, et n'ont même plus à nous la rabâcher tant elles assument qu'elle est acquise, qu'elle va sans dire, que personne n'osera piper mot, on dira que c'est toujours le même peuple et qu'en son sein il n'y a que des Français : que ce sont-là les Français d'aujourd'hui. Couteau de Lichtenberg, toujours : on change le manche, puis la lame, mais c'est toujours le même couteau. »
Renaud Camus, Le Grand Remplacement
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