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22/01/2018

La place visible où s'avoue un mal profond

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« La France ne se sera rendue vraiment apte à se donner une meilleure organisation que lorsqu'elle regardera le régime dont elle se plaint comme l'expression obscène des défauts qu'elle a accepté de garder sourdement en elle, et comme la place visible où s'avoue un mal profond. Il la force à se voir dans ce qu'elle a de moins beau.

Bien loin de nous plaire à opposer une nation pourvue de toutes les bonnes qualités à un régime chargé de toutes les mauvaises, fiction lâche et fausse qui ne mène à rien, nous ne devons pas craindre de connaître le régime et la nation l'un par l'autre. Assurément celle-ci déborde celui là, par ce qu'elle a de plus haut et ce qu'elle garde de plus profond ; mais entre ces extrêmes, il ne se peut pas qu'elle ne coïncide avec lui en beaucoup de points : même le plus vils des politiciens s'appuient sur une clientèle qu'ils ont, sans doute, contribué à corrompre, mais qui, par un touchant échange de bons offices, tend elle-même à les confirmer dans leurs vices ; d'autres députés, qui valent mieux sans valoir beaucoup, ne sont que l'expression trop fidèle de cette masse incertaine qui, loin de vouloir le bien, craint presque d'y aspirer.

Seuls les plus nobles des Français seraient fondés à soutenir que, dans un pareil régime, ils n'ont pas de représentants ; encore peuvent-ils se reprocher de l'avoir trop rapidement accepté, et se trouver liés à lui par tous les consentements inavoués de la mollesse et de la lassitude. Des hommes d'élite doivent toujours être plus portés à exagérer leur responsabilité qu'à la méconnaître et il leur sied d'être assez fiers pour se trouver coupables de tous les maux qu'ils ont permis. C'est par la critique d'un régime qu'elle ne peut pas conserver que la France doit connaître en elle les défauts qu'elle ne veut plus avoir. »

Abel Bonnard, Les modérés

 

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L'Homme n'est pas une Machine...

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« L'homme descendra-t-il au dernier terme de sa dégradation, parce qu'il ne suspendra ses travaux aucun des jours qu'il lui est donné de passer sur la terre ? En deviendra-t-il moins homme, parce qu'il sera plus laborieux, et que tous les instants de sa vie, sans aucune réserve, seront accordés à son industrie ? La cupidité s’empresse de dissiper nos alarmes ; elle résout tous nos doutes sans embarras ; elle calme nos inquiétudes sans hésitation. Qu’est-ce que l’homme pour elle ? Pas autre chose qu’une machine qui fonctionne, une roue qui accélère le mouvement, un levier qui soulève, un marteau qui brise la pierre, une enclume qui façonne le fer. Qu’est-ce que le jeune enfant ? Elle n’y voit qu’une pièce d’engrenage qui n’a pas encore toute sa puissance. Voilà à ses yeux toute la dignité humaine. Si vous lui demandez où est le salut de la société, elle vous indiquera le jeu continu des machines, l'action non interrompue de l'ouvrier qui produit, la vapeur qui fait disparaître les distances. Quant à l'impiété, nos craintes font naître le sourire sur ses lèvres ; elle dédaigne ; elle ne voit des jours bien employés que ceux que le plaisir ou le travail absorbent tout entiers. Instrument de plaisir ou de fortune, c'est là aussi tout l'homme à ses yeux.

Et, oui, la religion et la raison voient l’homme déchoir de sa grandeur et de sa dignité par la violation du repos du Seigneur ; oui, la profanation du dimanche attaque les fondements de la société : et la société civile devrait s'émouvoir comme l'église chrétienne, en voyant le mépris où tombe, de plus en plus, un Commandement donné à l'homme pour élever son esprit, fortifier sa raison, accroître ses vertus et réparer en même temps ses forces épuisées. Si l'homme vivait seulement de pain, si la chair et le sang étaient tout son être, et qu'il n'attendit ni une patrie meilleure, ni une cité plus stable, nous le laisserions chercher dans une matière unique aliment, y puiser toutes ses jouissances, et y placer toutes ses espérances.

Mais dites-nous si son langage, son regard, ses actions, sa vie entière ne vous indiquent pas qu'il y a en lui une substance plus excellente que celle qui se voit, se touche, se flétrit et se pulvérise ? Dites-nous s'il y n'y a pas en lui un principe d'immortalité, et si le corps n'est pas le voile sous lequel vit et se meut "l'homme céleste" ?

Si donc il est autre chose qu'une machine, une roue ou un levier, sa nourriture véritable est "la parole qui sort de la bouche de Dieu", la contemplation de la vérité, l'étude de la vie présente et de l'éternité. Il faut qu'il se rappelle de temps en temps qu'il vient de Dieu, qu'il vit pour Dieu, et qu'il va à Dieu. Il est un ordre d'idées qu'on n'emprunte pas à la terre ; il est des devoirs qu'on n'apprend pas par un travail mécanique. Il faut réfléchir pour les connaître, ces devoirs ; il faut se replier sur soi-même pour les approfondir, suspendre l'agitation et le bruit pour entendre la voix de Dieu ; et après avoir donné quelques moments à la vie animale, il faut redevenir homme et revêtir le chrétien pour ne pas se transformer en une vile matière qu'on façonne, en cet argile grossier que l'on pétrit, et ne pas s'assimiler à la bête de somme que l'on charge.

(...)

Ce n’est pas assez pour son cœur et son esprit d’agir et de produire, d’extraire des métaux et de gagner un salaire, il faut qu’il pense et qu’il aime ; voilà pour lui aussi la véritable vie. »

Cardinal Louis-Jacques-Maurice de Bonald, Instruction Pastorale et Mandement du Carême de 1842, Sur la Sanctification du Dimanche

 

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