22/01/2018
L'Homme n'est pas une Machine...
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« L'homme descendra-t-il au dernier terme de sa dégradation, parce qu'il ne suspendra ses travaux aucun des jours qu'il lui est donné de passer sur la terre ? En deviendra-t-il moins homme, parce qu'il sera plus laborieux, et que tous les instants de sa vie, sans aucune réserve, seront accordés à son industrie ? La cupidité s’empresse de dissiper nos alarmes ; elle résout tous nos doutes sans embarras ; elle calme nos inquiétudes sans hésitation. Qu’est-ce que l’homme pour elle ? Pas autre chose qu’une machine qui fonctionne, une roue qui accélère le mouvement, un levier qui soulève, un marteau qui brise la pierre, une enclume qui façonne le fer. Qu’est-ce que le jeune enfant ? Elle n’y voit qu’une pièce d’engrenage qui n’a pas encore toute sa puissance. Voilà à ses yeux toute la dignité humaine. Si vous lui demandez où est le salut de la société, elle vous indiquera le jeu continu des machines, l'action non interrompue de l'ouvrier qui produit, la vapeur qui fait disparaître les distances. Quant à l'impiété, nos craintes font naître le sourire sur ses lèvres ; elle dédaigne ; elle ne voit des jours bien employés que ceux que le plaisir ou le travail absorbent tout entiers. Instrument de plaisir ou de fortune, c'est là aussi tout l'homme à ses yeux.
Et, oui, la religion et la raison voient l’homme déchoir de sa grandeur et de sa dignité par la violation du repos du Seigneur ; oui, la profanation du dimanche attaque les fondements de la société : et la société civile devrait s'émouvoir comme l'église chrétienne, en voyant le mépris où tombe, de plus en plus, un Commandement donné à l'homme pour élever son esprit, fortifier sa raison, accroître ses vertus et réparer en même temps ses forces épuisées. Si l'homme vivait seulement de pain, si la chair et le sang étaient tout son être, et qu'il n'attendit ni une patrie meilleure, ni une cité plus stable, nous le laisserions chercher dans une matière unique aliment, y puiser toutes ses jouissances, et y placer toutes ses espérances.
Mais dites-nous si son langage, son regard, ses actions, sa vie entière ne vous indiquent pas qu'il y a en lui une substance plus excellente que celle qui se voit, se touche, se flétrit et se pulvérise ? Dites-nous s'il y n'y a pas en lui un principe d'immortalité, et si le corps n'est pas le voile sous lequel vit et se meut "l'homme céleste" ?
Si donc il est autre chose qu'une machine, une roue ou un levier, sa nourriture véritable est "la parole qui sort de la bouche de Dieu", la contemplation de la vérité, l'étude de la vie présente et de l'éternité. Il faut qu'il se rappelle de temps en temps qu'il vient de Dieu, qu'il vit pour Dieu, et qu'il va à Dieu. Il est un ordre d'idées qu'on n'emprunte pas à la terre ; il est des devoirs qu'on n'apprend pas par un travail mécanique. Il faut réfléchir pour les connaître, ces devoirs ; il faut se replier sur soi-même pour les approfondir, suspendre l'agitation et le bruit pour entendre la voix de Dieu ; et après avoir donné quelques moments à la vie animale, il faut redevenir homme et revêtir le chrétien pour ne pas se transformer en une vile matière qu'on façonne, en cet argile grossier que l'on pétrit, et ne pas s'assimiler à la bête de somme que l'on charge.
(...)
Ce n’est pas assez pour son cœur et son esprit d’agir et de produire, d’extraire des métaux et de gagner un salaire, il faut qu’il pense et qu’il aime ; voilà pour lui aussi la véritable vie. »
Cardinal Louis-Jacques-Maurice de Bonald, Instruction Pastorale et Mandement du Carême de 1842, Sur la Sanctification du Dimanche
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