28/03/2018
Assis dans les tribunes d’un stade métaphysique et indifférent au cours du destin
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« Stefano ne se sent pas intimidé par ces regards. Il parle la même langue qu’eux, l’italien, il partage leur histoire, mais il porte en lui la révolution, les bruits de la province et la chaleur pulsante des poings. Il n’est pas encore habitué à se considérer comme un soldat politique. Il s’agit d’un état d’âme nouveau, surprenant, qui ne s’est cristallisé que quelques semaines auparavant, durant les affrontements de Valle Giulia. Là-haut, dans le Frioul et dans la torpeur de sa chambre, en pensant aux héros il voyait un mélange de charges de cavalerie et de tempêtes d’acier, de lances pointues et de soudaines percées sur le front russe. Des gestes inutiles qui se concluaient par une glorieuse défaite. Mais à présent l’héroïsme a un son différent, plus aigu et lointain. La tentation de la mort est toujours la même, un abîme sourd qui aspire les désirs, une force impersonnelle, comme si l’on pouvait être spectateur de sa propre vie, assis dans les tribunes d’un stade métaphysique et indifférent au cours du destin.
Mais, à l’épreuve du feu, ce merveilleux 1er mars, tandis que les matraques des C.R.S. s’abattaient sur son dos, qu’il sentait près de lui la chaleur de la Jeep renversée et en flammes, tout le reste a changé. Les pulsions vitales – honneur, fierté, courage, fidélité – s’étaient mises d’un coup à converger paisiblement vers un centre. Elles ne pouvaient plus s’user sous l’effet d’un incontrôlable besoin d’agir. C’étaient des planètes qui tournaient autour du feu solaire, suivant des orbites ordonnées. Et c’est ça, seulement ça, qui vous fait sentir que vous êtes un guerrier. »
Alberto Garlini, Les noirs et les rouges
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