15/07/2018
Tourisme de masse...
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« Une rage froide nous prend à voir ces étrangers se chauffer au soleil sur nos places. Après quoi, il nous faut laver et lustrer les rayons pour en ôter la saleté et la rouille qu’y laissent ces gros sacs de suif, suants et poussiéreux. Et il nous semble chose impossible, il nous semble traîtrise que le soleil, au lieu de se retirer avec dégoût, touche de ses rayons ces étrangers, les réchauffe, les sèche, les dore.
(...)
Le premier mouvement de ces étrangers, c'était l'envie. Ils avaient laissé derrière eux des forêts sauvages, des campagnes boueuses, des ciels nébuleux, des villes mornes, renfermées, moisies, des lacs et des rivières embuées par le souffle de vents glacés, des paysans abrutis dans la crainte des seigneurs, de grasses femmes blondes sans piquant, des marchands gonflés de bière. Et à peine les montagnes franchies, ils trouvaient un pays ensoleillé, le ciel bleu, des champs pareils à des jardins, de belles maisons soignées, des merveilles d'églises luisantes d'ors et de marbres précieux, des places qu'on eût prises pour des salles de spectacles, avec de belles statues nues sur des piédestaux de porphyre, des fontaines aux eaux chantantes, des portiques peints à fresque par des peintres heureux et gais et, tout juste hors les murs, sur quelque petite hauteur à portée de main, les ruines d'un temple antique avec ses belles colonnes corinthiennes aux riches chapitaux de fleurs et de fruits, témoignage importun de la vieille noblesse de ces italiens, encore nobles et gracieux jusque dans le malheur. »
Curzio Malaparte, Ces chers italiens (Benedetti Italiani)
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