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04/10/2018

Ma race

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Je suis le fils de cette race
Dont les cerveaux plus que les dents
Sont solides et sont ardents
Et sont voraces.

Je suis le fils de cette race
Dont les desseins ont prévalu
Dans les luttes profondes
De monde à monde,
Je suis le fils de cette race
Tenace
Qui veut, après avoir voulu,
Encore, encore et encore plus !

Races d'Europe et des soudaines Amériques,
- Ma race ! - Oh ! que vos pas sont beaux
Quand ils portent sur les sommets lyriques
Toujours plus haut
Les feux maintenus clairs des antiques flambeaux !

Le monde entier est ce jardin des Hespérides
Où vous cueillez, parmi des arbres tors,
Avec des bras fougueux, avec des mains torrides,
La force et le savoir, la volonté et l'or.

S'ils furent lourds, vos coups, dans les luttes fatales,
Du moins votre oeuvre immortelle et mentale
Recouvre, avec ses ailes de clarté,
L'oeuvre basse de cruauté.

Vos noms ? Qu'importent ceux dont l'histoire vous nomme ;
Vous vous reconnaissez toutes, au même sceau
Empreint sur vos berceaux,
D'où se lèvent les plus purs des hommes.

Avec des regards nets, puissants et ingénus,
Vous explorez la terre entière ;
Toute lueur qui filtre, à travers l'inconnu,
Devient, entre vos mains, une énorme lumière.

L'urgence d'innover vous étreint le cerveau
Et vous multipliez les escaliers mobiles
Et les rampes et les paliers nouveaux,
Là-haut, autour des vérités indélébiles.

Trouver, grouper, régler, choisir et réformer.
Vos voyages, vos recherches, votre science,
Tout se ligue pour vous armer
D'une plus lucide conscience.

Vous vous servez de l'air, de l'eau, du sol, du feu,
Vous les exorcisez de leurs terreurs dardées ;
Ceux qui furent, aux temps liturgiques, les Dieux,
S'humanisent et ne sont plus que vos idées.

Tout se règle, tout se déduit, tout se prévoit.
Le hasard, fol et vieux, sous vos calculs, se dompte ;
L'action vibre en vous, mais sans geste, sans voix,
Et ne fait qu'un avec l'intelligence prompte.

Ô les races magnifiques ! L'Est, l'Ouest, le Nord,
Terre et cieux, pôles et mers sont vos domaines.
Régnez : puisque par vous la volonté du sort
Devient de plus en plus la volonté humaine. »

Émile Verhaeren, "Ma race" in Les Forces tumultueuses

 

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Méditation

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Heureux, ceux-là, Seigneur, qui demeurent en toi,
Le mal des jours mauvais n’a point rongé leur âme,
La mort leur est soleil et le terrible drame
Du siècle athée et noir n’entame point leur foi.

Obscurs pour nos regards, ils sont pour toi les lampes,
Que les anges sur terre, avec leurs doigts tremblants,
Allument dans les soirs mortuaires et blancs
Et rangent comme un nimbe à l’entour de tes tempes.

Heureux le moine doux, pour qui l’orgueil n’est point,
Dont les yeux n’ont jamais, si ce n’est en prière,
Comme des braises d’or avivé leur lumière
Et dont l’amour retient le cœur à ton cœur joint.

Son esprit lumineux, telle une aube pascale,
Jette des feux pieux comme des fleurs de ciel ;
Il marche sans péché, ni désir véniel,
Comme en une fraîcheur de paix dominicale.

Heureux le moine saint s’abattant à genoux,
Devant ta croix, dressant au ciel ses larges charmes,
Et qui lave ton nom avec les mêmes larmes
Que nous prostituons à nos douleurs à nous.

Son cœur est tel qu’un lac dans la montagne blanche,
Qui réverbère en ses pâles miroirs dormants
Et ses vagues de prisme emplis de diamants
Toute clarté de Dieu qui sur terre s’épanche.

Heureux le moine rude, ardent, terrible, amer,
Dont le sang se déperd aux larmes des supplices,
Dont la peau se lacère aux griffes des cilices
Et qui traîne vers toi les loques de sa chair.

Pour en tordre le mal, ses mains tortionnaires
Ont d’un si noir effort étreint son corps pâmé,
Qu’il n’est plus qu’âme enfin et qu’il vit sublimé,
Tout seul, comme un rocher meurtri par les tonnerres.

Heureux les moines grands, heureux tous ceux qui vont
Là-bas, en des chemins de paix et de prière,
Les regards aimantés par la vague lumière
Qui se fait deviner par delà l’horizon. »

Émile Verhaeren, "Méditation" in Les moines

 

 

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