17/04/2019
DE PROFUNDIS : Notre Dame brûla et obligea la France à se souvenir qu'elle fut catholique…
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Pendant des siècles, on la désigna comme étant la fille aînée de l'Eglise. Manifestement, c'était bien trop lourd à porter.
Par Benoît Rayski
Charles Péguy était un fervent catholique. Chaque année, le 15 août, le poète faisait le pèlerinage de Paris à Chartres. Au bord de la route, il aperçut un homme, un cantonnier, qui cassait des grosses pierres. L'homme était meurtri, fatigué, et sur son visage on lisait du ressentiment. "C'est dur ?", demanda Péguy. Le cantonnier répondit : "Je fais un travail de sous-homme, je suis un sous-homme".
A quelques kilomètres de là il vit un homme qui faisait le même travail que le précédent. Il avait l'air moins abîmé que l'autre. Presque content. "C'est dur ?" demanda Péguy. L'homme répondit : "Oui, c'est très très dur, mais je suis plutôt content d'avoir ce travail pour nourrir ma femme et mes enfants".
Plus loin, il y avait un troisième cantonnier. Il était beau, lumineux et rayonnant. "C'est dur ?" redemanda encore Péguy. L'homme répondit : "Aucune importance, les pierres que vous voyez, c'est pour bâtir une cathédrale".
Les bâtisseurs de cathédrale ne sont plus. Le glas a sonné pour eux. Comme il a sonné pour Notre Dame. Et, peut-être aussi, pour la France. Et pourtant, ils ont façonné pour toujours l'image de notre pays.
La France n'est pas faite que de champs, que de rivages, que de collines, que de montagnes. Les lieux de mémoires sont là, par milliers : églises, chapelles, cathédrales, basiliques disent ce que nous sommes et nous rappellent nos racines judéo-chrétiennes. Judéo-chrétiennes car le Nouveau Testament est le fils de l'Ancien.
Qui n'a pas été ébloui par le Mont Saint Michel ne comprendra jamais ce qu'est la France. Qui ne s'est pas laissé émerveiller par la Vierge Noire de Rocamadour (brûlée par le temps, ou par les Sarrasins?) ne saura jamais dans quel pays il a la chance de vivre.
Qui n'a pas ressenti le désir de s'agenouiller devant la cathédrale d'Arras, un chef-d'œuvre fin comme de la dentelle, ne saura jamais apprécier la beauté des choses.
Qui n'a pas été pris d'admiration devant les vitraux de la cathédrale de Reims et de Notre Dame sera éternellement prisonnier de sa sécheresse de cœur.
Qui a refusé de gravir la colline de Vézelay a perdu une occasion historique de s'émerveiller.
Elles sont là par milliers, parmi nous, ces cathédrales, ces églises, ces chapelles. Des pierres tombales, pourrait-on dire, tant elles ont été désertées.
A cet abandon, plusieurs cause. L'Eglise y a sa part de responsabilité. Car elle a souvent été plus laide que les édifices qu'elle nous a légués. A la fin du XVIIIe siècle, elle mena au supplice le Chevalier de la Barre. Ce fut le début de sa perte avec Voltaire et son "écrasons l'infâme!". Puis elle persévéra dans l'erreur en défigurant la capitale avec un Sacré Cœur érigé selon les curés de l'époque pour "expier les crimes de la Commune de Paris". L'intention était basse : l'édifice fut laid.
Au moment de l'affaire Dreyfus éprouva le besoin de se jeter les bras de ceux qui exigeaient la condamnation d'un innocent. Elle le paya très cher par des années d'un frénétique anticléricalisme qui donna naissance à la loi de 1905.
N'ayant rien oublié ni rien appris, elle récidiva sous Vichy en épousant à quelques lumineuses exceptions prêt dont celle du Mgr Saliège les idées peu reluisantes du Maréchal Pétain. On est en droit de préférer les églises à l'Eglise. C'est d'elle, hélas vides encore, que peut venir un nouveau souffle d'âme. Après le De Profundis, on y attendra peut-être un jour le Te Deum et le Magnificat.
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