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27/05/2019

J’étais pleinement convaincu que toute révolution est la faute non du peuple, mais du gouvernement

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Oui, on a raison, je ne pouvais pas être un ami de la Révolution française, parce que j’étais trop touché de ses horreurs, qui, à chaque jour, à chaque heure me révoltaient, tandis qu’on ne pouvait pas encore prévoir ses suites bienfaisantes. Je ne pouvais pas voir avec indifférence que l’on cherchât à reproduire artificiellement en Allemagne les scènes qui, en France, étaient amenées par une nécessité puissante. Mais j’étais aussi peu l’ami d’une souveraineté arbitraire. J’étais pleinement convaincu que toute révolution est la faute non du peuple, mais du gouvernement. Les révolutions seront absolument impossibles, dès que les gouvernements seront constamment équitables, et toujours en éveil, de manière à prévenir les révolutions par des améliorations opportunes ; dès qu’on ne les verra plus se roidir jusqu’à ce que les réformes nécessaires leur soient arrachées par une force jaillissant d’en bas. À cause de ma haine pour les révolutions, on m’appelait un ami du fait existant. C’est là un titre très-ambigu, que l’on aurait pu m’épargner. Si tout ce qui existe était excellent, bon et juste, je l’accepterais très-volontiers. Mais à côté de beaucoup de bonnes choses il en existe beaucoup de mauvaises, d’injustes, d’imparfaites, et un ami du fait existant est souvent un ami de ce qui est vieilli, de ce qui ne vaut rien. Les temps sont dans un progrès éternel ; les choses humaines changent d’aspect tous les cinquante ans, et une disposition qui, en 1800, sera parfaite est déjà peut-être vicieuse en 1850. — Mais il n’y a de bon pour chaque peuple que ce qui est produit par sa propre essence, que ce qui répond à ses propres besoins, sans singerie des autres nations ! Ce qui serait un aliment bienfaisant pour un peuple d’un certain âge sera peut-être un poison pour un autre. Tous les essais pour introduire des nouveautés étrangères sont des folies, si les besoins de changement n’ont pas leurs racines dans les profondeurs mêmes de la nation, et toutes les révolutions de ce genre resteront sans résultats, parce qu’elles se font sans Dieu ; il n’a aucune part à une aussi mauvaise besogne. Si, au contraire, il y a chez un peuple besoin réel d’une grande réforme, Dieu est avec elle, et elle réussit. »

Johann Wolfgang von Goethe à J. P. Eckermann, Dimanche, 4 janvier 1824 ; in "Conversations de Goethe avec Eckermann"

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