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26/04/2020

La source vive et spontanée qu'on rêve dans son adolescence

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Je n'avais pas trente ans que ces jours de fête me paraissaient horribles. C'est le moment de l'année où l'homme sent le plus sa solitude.
Solitude que j'ai voulue, de toute la force de mon égoïsme et de par toute la puissance de ma fatalité ! Impossible de m'attacher à une femme, impossible de m'abandonner à elle. Je n'en trouvais aucune assez belle. Assez belle intérieurement ou extérieurement. J'ai tout sacrifié à une idée folle de la beauté.
Je savais bien d'ailleurs qu'il y a de beauté que celle que nous donnons aux êtres, je savais bien que je pouvais mettre de la beauté dans une femme, mais je boudais, j'en voulais à la nature de ne pas me donner ce qu'il me fallait moi-même créer.
J'ai repoussé comme une illusion qui ne pourrait jamais me satisfaire jusqu'au fond du cœur cette nécessité pour l'homme de créer la femme. Je me disais avec lassitude : “Oui, j'arriverai à me faire une femme qui sera ma femme, indubitablement marquée de mon sceau. Mais que sera-ce ? Seulement une petite guenon qui répétera mes gestes, mes idées, mes sentiments. Jamais ce ne sera la source vive et spontanée qu'on rêve dans son adolescence.”
Ainsi, j'ai voulu rester seul pour que soit pleinement et âprement reconnue la solitude de l'homme qui ne peut peupler la terre que de ses invocations : dieux et femmes.
Je n'ai pas compris que l'homme donne forme à la femme, mais qu'elle lui apporte sa substance, sa vie, cette magnifique matière brute de sa spiritualité qui appelle le ciseau. »

Pierre Drieu la Rochelle, Journal, 1939-1945

 

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